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Homélie du 6ème Dimanche du Temps ordinaire


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6ème Dimanche du Temps ordinaire

« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir. »


Frères et sœurs,


Le premier enseignement que l’on peut tirer des paroles de Jésus ce dimanche, c’est que Jésus n’abroge pas la Loi, comme on le lui reprochera, mais qu’Il l’accomplit. Je le cite : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir. (…) Donc celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des Cieux. » C’est donc clair. Il y a plusieurs questions / problèmes dans le rapport de Jésus à la Loi et c’est cela que je souhaiterais regarder avec vous.


Tout d’abord, nous savons que St Matthieu écrit son Évangile à destination de communautés juives. Il cherche donc à montrer que Jésus est le Messie, Celui qui accomplit les Écritures et c’est ainsi qu’il présente Jésus dans cet Évangile.

Mais il y a autre chose qui choque les contemporains de Jésus, notamment lorsqu’il dit à plusieurs reprises : « ‘Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens’… ‘eh bien moi je vous dis’ ». Ce n’est pas tellement l’opposition les Anciens / Jésus, c’est plus le fait que Jésus dise ‘« Je » vous dis’. Car, le fait qu’Il parle en son Nom propre par rapport à la Loi montre ou bien qu’Il ne la respecte pas (ce qui n’est pas le cas puisqu’il vient de redire qu’Il ne l’abrogeait pas) ou bien qu’Il se fait l’égal de Dieu en se donnant la faculté et l’autorité de re-exprimer la Loi. Il dit en fait ici son origine divine et, à nouveau, St Matthieu, le montre comme un nouveau Moïse. La Loi de Jésus accomplit la Loi de Moïse.


Après, nous voyons bien dans le détail que Jésus reprend la Loi de Moïse pour en dépasser l’application stricte et montrer comment il faut appliquer cette Loi dans tous les aspects de la vie. Par exemple, il dépasse la simple formulation de l’interdit du meurtre pour expliquer que celui qui se met en colère contre son frère ou qui médit ou insulte sera passible de la géhenne.


Il y a une autre raison à la querelle entre Jésus d’une part et les Pharisiens et les docteurs de la Loi d’autre part, par rapport à la question de la Loi, c’est que Jésus, en accomplissant la Loi, montre que celle-ci n’est pas une fin en elle-même et qu’elle s’accomplit dans le commandement de l’Amour. En ce sens, Il la relativise, en la remettant en perspective avec l’Amour qui en est sa finalité. Tout l’enseignement de St Paul s’enracine dans cette expérience et cet enseignement : la Loi aide et guide, mais est impuissante à sauver. Jésus oriente la Loi vers sa finalité qui est la justice et le Bien, tous les deux, au service de l’Amour. Jésus met l’Amour au-dessus de la Loi, non pas en les opposant, mais en montrant que l’Amour accomplit la Loi.


Cette problématique sur la Loi nous amène également à opérer une distinction interne à la Torah, distinction que l’on retrouvera aussi au sein de l’enseignement de l’Église, distinction qui, si elle n’est pas faite, rend obscures la place et l’importance de la Loi dans la foi chrétienne. (Ce que d’ailleurs un grand nombre de catéchumènes nous renvoie comme interrogation.) Dans la Torah se mêlent du droit divin soit naturel soit révélé par Dieu (par exemple les Dix commandements) avec des principes intangibles et du droit dit « casuistique » qui fournit des normes pour régler des questions juridiques et sociales concrètes. Ainsi se comprend l’enseignement des Prophètes qui vont actualiser, dans des petites choses et des règles qui pourront évoluer dans le temps, selon les circonstances, les grands principes intangibles révélés par Dieu. Le droit dit casuistique est critiquable, évolutif, sujet au changement et il est par nature souple devant pouvoir être adapté. Mais là, naît une dérive à laquelle Jésus ne va cesser de se heurter, c’est que ce droit casuistique va être absolutisé et prendre l’expression d’une origine divine, alors qu’il ne l’est pas. Là vont naître toutes les controverses entre Jésus et les docteurs de la Loi et les Pharisiens. L’existence de ces deux régimes de Loi permet l’évolution des lois casuistiques selon des principes intangibles, en même temps qu’elle permet de corriger et d’ajuster les lois casuistiques selon les principes révélés.


Ce même principe se retrouve dans l’enseignement de l’Église ainsi que dans sa législation. Le droit canon a des Lois qui sont de nature révélées par Dieu sur lesquelles l’homme n’a pas de pouvoir. On parlera ainsi de droit divin (qu’il soit naturel ou révélé); par exemple le mariage défini par l’union d’un homme avec une femme. Et il existe des Lois édictées par l’Église pour permettre, selon les temps et les circonstances, l’application de ces Lois révélées ; par exemple la question du célibat des prêtres ; on parlera ici de droit ecclésiastique. Le droit ecclésiastique ne s’applique qu’aux catholiques quand le droit divin naturel s’applique à tout homme et le droit divin révélé s’applique à tout baptisé. Cette articulation entre droit divin et droit ecclésiastique donne une grande souplesse et un grand cadre structurant. Tout l’enseignement social de l’Église, la doctrine sociale de l’Église, découle de ce principe interne au droit judéo-chrétien que je vous explique. L’Église a la faculté de corriger, d’adapter ce qui a été précédemment établi. Le même principe prévaut dans la liturgie qui comporte en elle-même et des éléments immuables parce que révélés par Dieu et des éléments susceptibles d’évoluer.


Ces différentes considérations m’amènent à vous parler des différents types de Loi qui existent dans le catholicisme et qui, pour certaines d’entre elles, sont méconnues aujourd’hui avec une incidence importante sur la question du salut. Je voudrais vous parler d’abord de la Loi révélée, c’est-à-dire, la Loi donnée par Dieu. La Loi révélée est donnée d’une part dans l’Ancien Testament, par exemple les 10 commandements ; et d’autre part, dans le Nouveau Testament, par exemple dans le commandement suprême que Jésus donnera : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de tout ton esprit. Et tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

La Bible nous donne la Loi révélée par Dieu, en même temps qu’elle nous donne des lois casuistiques et elle nous montre que la Loi révélée Nouvelle accomplit et donne son sens à la Loi révélée Ancienne.

Mais il existe une autre Loi dont on ne parle plus beaucoup aujourd’hui, avec un grand tort : il s’agit de la Loi naturelle. Par Loi Naturelle, on entend la Loi qui Dieu a inscrite dans le cœur de tout homme, cette Loi suprême et fondamentale qui pousse l’homme à faire et à rechercher le bien et à éviter le mal. Jusqu’à il y a peu, nos systèmes législatifs dans la culture occidentale, étaient construits sur la Loi naturelle ; dit autrement, il n’y avait pas ni opposition ni contradiction entre la Loi naturelle et nos lois civiles. Depuis plusieurs décennies, en raison de la déchristianisation de nos sociétés et sous l’influence de lobbies exerçant des pressions sur nos gouvernants, nos lois civiles se déconnectent de la Loi naturelle et se construisent de plus en plus en opposition à la Loi naturelle. Le meilleur exemple est la question de la loi sur l’avortement qui, en quelques décennies, est passée d’une Loi de dépénalisation, à un droit à l’avortement , jusqu’à peu, à la volonté de l’inscrire comme un droit constitutionnel. La loi naturelle visait la recherche d’un bien commun, aujourd’hui abandonné au profit de la recherche du contentement de biens particuliers. Clairement dans nos sociétés la Loi naturelle n’est plus prise en compte, voire même est contestée. Il est donc logique que notre système législatif se complexifie de plus en plus puisque nous ne sommes plus d’accord sur le bien ni sur les fondements de notre vie en société.

Mais, il y a un MAIS encore plus important que l’effondrement de notre système législatif d’inspiration chrétienne, c’est que l’existence de la Loi naturelle permettait à tous ceux qui n’étaient pas chrétiens, ou bien parce qu’ils n’ont jamais entendu parler de Jésus, ou bien parce que, pour une raison ou pour une autre, ils n’avaient pu devenir chrétiens, sans opposition de leur part, la Loi naturelle leur permettait de contribuer à leur salut en faisant le bien et en contribuant au bien. Or, en faisant disparaitre la Loi naturelle de notre société et parfois de l’enseignement de l’Église, on entre dans un système dans lequel les gens vont être perdus par rapport au Bien et ne vont plus savoir comment vivre selon le bien ou ce qu’est le Bien. L’accès au salut n’en devient pas impossible bien sûr, mais va s’en trouver complexifié.


Frères et sœurs, il est urgent de ré-investir la notion et la réalité de la Loi naturelle, en premier lieu chez les chrétiens. Et il nous faut garder à l’esprit et dans le cœur que la Loi n’est qu’une aide à vivre selon l’Amour et selon Dieu, et que Jésus est l’accomplissement de la Loi. Jésus nous invite à vivre selon la Loi en laissant place à la miséricorde qui est l’expression de la justice de Dieu. La miséricorde divine prend en compte notre réalité d’hommes pécheurs et nous accorde le salut offert par Jésus. « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux » nous dit Jésus. Amen !


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