Homélie de la Solennité de la Sainte Trinité
- Paroisse Saint Louis

- 12 juin 2022
- 6 min de lecture

+
Solennité de la Sainte Trinité
« J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. »
Chers frères et sœurs,
La fête de la Sainte Trinité qui clôture l’ancienne octave de la Pentecôte est une des rares fêtes où nous fêtons Dieu pour ce qu’Il est lui-même et où nous ne commémorons pas un évènement de la Vie de Jésus ou d’un saint. Les textes retenus pour cette fête de la Sainte Trinité orientent notre méditation vers la personne et le rôle de l’Esprit-Saint. Je partirai de la Parole de Jésus dans l’Évangile : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant, vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de Vérité, il vous conduira vers la vérité toute entière. »
Cette parole de Jésus nous dit que c’est l’Esprit-Saint qui aura pour mission de nous faire progresser dans la réception de ce que Jésus veut nous donner. Cette parole laisse également entendre que nous avons besoin de temps pour grandir, pour nous affermir et que c’est précisément l’Esprit-Saint qui aura cette mission de nous donner ce que nous pouvons recevoir au moment où nous pouvons le porter. Dieu agit donc dans le temps et se sert du temps.
Justement, il en était ainsi lorsque Dieu a cherché à se faire connaître. Dieu a pris le temps d’entrer en dialogue avec l’homme, de laisser à l’homme le temps de se familiariser avec Lui pour lui apprendre à L’écouter, à Lui répondre. On peut dire que dans la Révélation de Dieu il y a eu 2 grandes périodes : une au cours de laquelle Dieu s’est fait connaître comme Le seul Dieu, Le Dieu unique, invitant les Hébreux à se détourner des idoles et une autre au cours de laquelle, grâce à son Fils Jésus, Dieu a progressivement révélé son existence trine. Ainsi Dieu trinitaire a mis du temps à se faire connaître comme tel. Et pourtant les traces de la présence de la Trinité ne manquent pas, même dans l’Ancien Testament : lors de la Création, la Bible nous dit que « l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. » Dans ce même récit, la Bible rapporte : « Dieu dit :’Que la Lumière soit’ ». La Parole créatrice, le Verbe de Dieu, est aussi déjà présent et agissant. Nous connaissons tous la visite que reçoit Abraham de ces trois visiteurs mystérieux qui tantôt sont trois, tantôt plus qu’un seul. Qu’est-ce que cet épisode nous dit sinon le mystère de Dieu qui visite son serviteur, à la fois Un et Trine ? Le Prophète Isaïe également rend gloire à la Trinité ; c’est lui qui dira « Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu de l’Univers » que nous reprenons dans le Sanctus. 3 appellations « saints » parce que 3 personnes. Puis, dans la bouche de Jésus, le mystère de la Sainte Trinité devient plus explicite : Jésus se révèle Fils du Père et promet l’envoi de l’Esprit Saint. Il faudra attendre le Concile de Nicée-Constantinople en 381 pour que la doctrine soit clarifiée quant à la question de la Sainte Trinité. Ce texte, que nous proclamons ou chantons tous les dimanches, redit bien l’unicité de Dieu « Je crois en un seul Dieu » et en même temps la trinité des personnes : le Père, le Fils et l’Esprit-Saint qui, tout en étant différentes, partagent la même divinité, la même substance pour reprendre un mot qui a été récemment corrigé dans le texte du Credo.
Si Dieu a mis du temps à se révéler comme trinitaire, nous avons nous-aussi besoin de temps pour nous conformer et nous laisser façonner par la Sainte Trinité ; et ce, pour deux raisons. D’abord, parce que nous sommes tous créés à l’image de Dieu et
par conséquent nous avons tous au fond de notre être cette empreinte de Dieu qui marque notre nature, notre être profond. Deuxièmement, parce que, si nous avons été baptisés, nous avons reçu en nous cette habitation de la Sainte Trinité : nous avons été baptisés au Nom du Père et du Fils et du St Esprit. Désormais, la Sainte Trinité habite en nous et nous marque.
Je vous propose donc de regarder comment ce mystère de la Sainte Trinité marque et informe notre vie. Tout d’abord, du point de vue de l’Amour. Nous confessons, nous croyons, nous répétons que Dieu est un Dieu d’amour. Effectivement, c’est la trinité des personnes en Dieu qui lui permet d’être une puissance d’Amour. L’Amour implique nécessairement une altérité et une pluralité de personnes : on ne peut pas aimer soi-même, parce que l’amour est par nature un sentiment extatique, c’est-à-dire un sentiment qui fait sortir de soi, donc il présuppose un autre. Mais deux personnes ne suffisent pas à un amour ; c’est le minimum, mais la communion d’amour qui naît de deux êtres est naturellement ouverte à un autre. L’Amour en Dieu est parfait parce que les 3 personnes divines sont parfaites et d’égale divinité. Voyez-vous, si la création de l’homme par Dieu a laissé en nous cette empreinte de l’Amour qui va surgir dans l’homme et se manifester à travers le désir d’aimer et d’être aimé, le baptême nous a donné le principe et le dynamisme de cet Amour ; la création permet l’existence du désir de l’amour ; le baptême la réalisation de l’amour par l’habitation trinitaire. Dit de manière plus simple : lorsque nous aimons, lorsque nous posons le choix d’aimer une personne, nous mettons en œuvre le dynamisme de la Sainte Trinité permettant ainsi à l’amour parfait de Dieu de venir toucher la personne aimée à travers notre amour imparfait. Bien sûr, plus nous serons saints, sans péchés, purs, plus nous serons des vecteurs puissants de l’Amour de Dieu et plus Dieu touchera tel ou tel à travers nous, et même inconsciemment. En fait, plus nous sommes saints, plus notre amour et l’amour de Dieu vont être unis et plus nous serons heureux et comblés.
Le mystère de la Sainte Trinité marque encore notre être et notre vie par l’unité. La Sainte Trinité est la source de toute unité puisqu’elle fait exister ensemble 3 personnes distinctes qui partagent la même divinité. Il n’y a qu’en Dieu que peut exister parfaitement et la distinction des personnes et l’unité des personnes. La conséquence de ce principe est simple : il n’est pas possible de construite l’unité sans Dieu ou en mettant Dieu de côté. La laïcité ne peut pas être en elle-même un facteur d’unité ; elle peut tout au plus (et encore si elle est bien comprise et mise en application) garantir une égalité de droits ; mais l’égalité des droits ou de traitement, si elle peut contribuer à l’unité, ne peut pas être le principe ou la source de l’unité. Que nos hommes ou femmes politiques y réfléchissent bien, ainsi que les chrétiens qui s’engagent en politique pour le service du bien commun : l’unité ne peut se construire sans Dieu ou en dehors de Dieu, ou alors elle sera factice et éphémère. Il en va de même dans l’Église. L’unité de l’Église ne repose pas sur un équilibre des forces de tendances, de sensibilités différentes. L’unité de l’Église repose sur Dieu en qui chacun peut être pleinement lui-même, dans son individualité la plus personnelle, et en qui l’unité est parfaite par la Communion que les uns et les autres ont avec Jésus. De tout temps, il a existé des tiraillements dans l’Église entre le clergé régulier et le clergé séculier, entre les différentes familles spirituelles, théologiques, entre les différentes sensibilités liturgiques. Encore une fois, les difficultés dans l’unité ne résident pas dans la diversité des membres, elles résident en premier lieu dans la réalité de notre péché, mais aussi dans une déficience de communion avec Jésus. Les tiraillements que l’on peut ressentir dans l’Église, au niveau des paroisses, parfois au niveau de l’épiscopat, je pense aussi par exemple à la question de la suspension des ordinations dans le diocèse de Fréjus-Toulon, sont des appels à approfondir notre unité dans notre propre communion avec Jésus et à vivre davantage du mystère de la Sainte Trinité dans notre vie. L’autre a une autre manière de prier que moi, il préfère la messe célébrée de telle ou telle manière, il envisage l’Église autrement que moi…et alors ? en quoi est-ce que cela me gêne ? en quoi est-ce que cela me remet en cause ? N’y a-t-il pas justement ici un appel à accepter la diversité, convaincus que c’est dans cette diversité que l’Église est la plus complète ?
Frères et sœurs, demandons au Seigneur de nous ouvrir plus profondément à l’Habitation de la Sainte Trinité en nous et de pouvoir en vivre plus intensément. Amen !

Commentaires