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5 ème Dimanche de Carême
« Alors du ciel vint une voix qui disait : ‘Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore.’ »
Frères et sœurs,
Je ne sais pas si vous avez fait attention, mais ce qui est saisissant dans ce passage d’Évangile, c’est que celui-ci s’ouvre sur une question de quelques Grecs : « Nous voudrions voir Jésus. » et se trouve développé par la réponse de Jésus qui ne va pas se donner à voir, mais qui répond en substance qu’il se rend visible à travers la Passion. Et Jésus donne à la Passion un caractère universel, aussi bien du point de vue de l’espace que du temps : « Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » Autrement dit, la Passion nous donnera à voir Jésus de partout et pour tous les temps. St Jean nous montre aussi la richesse, la particularité de Jésus en sa double nature ; nous allons regarder cela d’un peu plus près.
Justement, en parlant de la double nature de Jésus, St Jean nous montre qu’il redoute la mort. Là, Jésus est bien visible dans son humanité : « Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? ‘Père, sauve-moi de cette heure ?’ Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Jésus redoute la mort et appelle son Père à l’aide. Avant son agonie, Il exprimera la même prière : « Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. » Et dans les deux cas, la finalité de sa mission revient à son cœur. Dans l’Évangile de ce jour, Il explique la fécondité de sa mort qui approche, avec l’image du grain de blé; avant son agonie, Il ajustera sa volonté humaine à celle de son Père : « Non pas ma volonté, mais la tienne. »
Voyez-vous, l’angoisse de Jésus avant la mort, son aversion pour la mort pourrait même -t-on dire, nous redit que la mort ne fait pas partie à l’origine de la nature humaine ; elle est et demeure un scandale pour la nature de l’homme.
Maintenant que Jésus a exprimé son aversion humaine pour la mort, Il nous révèle aussi qu’Il va l’investir d’un Amour infini : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » Le Fils de l’homme en donnant sa vie sur la croix va rendre gloire à Dieu, il révèle jusqu’où va l’amour de Dieu pour les hommes dans le don suprême de sa vie pour les autres. À cette glorification, le Père répond : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » La croix devient le lieu de la glorification : de Jésus qui glorifie son Père, du Père qui glorifie son Fils, c’est-à-dire que la croix devient le lieu de la manifestation de l’Amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Et dans la glorification que Jésus rend à son Père, il faut entendre et la manifestation de l’Amour de Dieu pour l’homme et la réponse de l’homme à Dieu, ces deux mouvements étant possibles en Jésus, Dieu fait homme.
Frères et sœurs, ces quelques réflexions m’amènent à deux considérations. Tout d’abord, nous sommes appelés à convertir et à approfondir notre regard sur la réalité de la croix. Oui la croix est le lieu d’un scandale, d’une injustice profonde, mais elle devient le lieu de manifestation d’un Amour infini. Quel regard posons-nous sur la réalité de la croix ? Quel regard posons-nous sur les croix d’aujourd’hui ? Puis, cela nous invite à réfléchir sur la qualité et le degré d’amour que nous investissons nous-mêmes dans les épreuves que nous vivons. Bien souvent les épreuves entrainent chez nous des frustrations, de la souffrance, de la révolte, bref tout un tas de sentiments plutôt mauvais. Mais que se passerait-il si nous les investissions d’amour ? si nous cherchions à en faire le lieu d’un don pour les autres ? La réponse vient…elle nous est donnée dans ce que Jésus explique : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. »
La conséquence de l’investissement de nos croix par l’Amour est la fécondité. La croix va devenir source de vie et de salut par l’Amour de Dieu qui s’y déploie pour nous. La plus haute manifestation de la fécondité issue de la croix réside dans l’Évènement de la Résurrection qui montre la réponse et la victoire de Dieu sur le mal et sur la mort. Mais au-delà de la Résurrection, Jésus nous dit que sa mort sera source de vie et de fécondité pour notre monde : elle est source de salut, de rédemption, de réconciliation, de pardon, de renouveau dans nos relations. Je vous donne un exemple assez répandu de cette fécondité de la mort de Jésus. Il est fréquent -et c’est aujourd’hui une réalité assez importante de nos effectifs de catéchuménat- qu’après un décès, un membre de la famille (un enfant, petit-enfant) découvre Dieu et la foi et s’engage sur un chemin de conversion et de vie chrétienne. Quelle en a été la cause ? le décès de la personne aimée qui s’est retrouvé être source de vie, et de Vie divine, pour celui qui reste sur terre.
La fécondité de la mort de Jésus se donne à voir dans le sacrement de l’Eucharistie, dans lequel, précisément, Jésus a aussi donné sa vie pour nous. Qu’est-ce que le pain qui sert à l’Eucharistie sinon que cet ensemble de grains de blé, écrasés, broyés, moulus et cuits ensemble pour devenir un seul morceau de pain nouveau, issu de la mort des grains de blé ? Tous ceux qui reçoivent l’Eucharistie, qui vivent d’Elle à travers la Communion sacramentelle, à travers l’Adoration du St Sacrement reçoivent la fécondité de Vie de Jésus issue de la mort. Et nous pouvons même dire que nous la recevons doublement : d’une part à travers le signe qu’est le pain, issu des grains de blés qui sont morts et qui ont donné une réalité nouvelle, et d’autre part de manière surnaturelle à travers le mystère de la transsubstantiation qui a fait de la réalité du pain le Corps du Christ. Si l’on reprend ici la question initiale posée à Philippe au début de l’Évangile : « Nous voudrions voir Jésus », Jésus se donne à voir dans l’Eucharistie non seulement dans le signe lui-même, mais aussi dans la fécondité qui en est issue.
La fécondité de la mort de Jésus sera manifestée dans le fait que nos vies sont données. La mort de Jésus est féconde par qu’elle est investie de l’Amour de Dieu, source de toute fécondité, et parce qu’elle est le lieu d’un don pour les autres. Jésus ne meurt pas pour Lui, mais pour nous et pour le monde. L’Amour, lorsqu’il est authentique, comporte toujours une part de renoncement à lui-même pour faire passer le bien de l’autre d’abord. Je pense ici particulièrement aux couples mariés sacramentellement et aux couples qui se préparent au mariage dont la vocation est de donner sa vie à l’autre de manière indéfectible et indissoluble. La fécondité de votre couple dépend de la place que vous faîtes à Jésus dans votre vie ; c’est Jésus qui vous apprend à donner votre vie à l’autre, jusqu’au bout, au-delà de vos limites. C’est la Communion eucharistique qui vous fait grandir dans ce don total à l’autre et aux autres. Un couple chrétien est réellement fécond lorsqu’il se nourrit du sacrifice de Jésus. Mais le fait d’avoir une vie donnée aux autres n’est pas la propriété exclusive des couples ; c’est aussi le propre du célibat consacré, que celui-ci s’exprime dans la vie religieuse ou sacerdotale ; c’est le propre de toute vie vécue en communion avec Jésus à travers des professions qui prennent alors l’aspect de vocation comme l’enseignement, le travail social, la politique (si les engagements sont sincères et droits), le domaine médical. Aujourd’hui, autre exemple de vie donnée, l’Église honore la mémoire de St Patrick, cet homme qui a consacré sa vie à l’évangélisation des Irlandais et qui a contribué à faire de ce pays une source dynamique d’évangélisation pour notre Europe et nos propres pays. Les missionnaires, les évangélisateurs sont d’autres exemples de la manifestation de la fécondité de Jésus ; eux-aussi donnent à voir Jésus.
Frères et sœurs, chacun de nous peut et reçoit la mission, par sa communion avec Jésus de montrer Jésus aux autres. Soignons notre communion avec Jésus pour pouvoir répondre à ceux qui ont le désir de Le voir et de Le rencontrer, Amen !
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