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7ème Dimanche de Pâques
« En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi. »
Frères et sœurs,
L’Évangile de ce jour nous donne d’entrer dans la prière de Jésus avant sa Passion et sa Résurrection. Nous savons combien les dernières paroles, les dernières prières de ceux qui vont nous quitter sont importantes, lourdes et profondes. On ne dit pas n’importe quoi. Ce qui est dit porte le poids et la profondeur de l’Amour porté en même temps que l’inéluctable séparation qui va arriver. Dans la prière qu’Il fait à son Père, Jésus redit son propre positionnement par rapport au monde ainsi qu’Il reprécise notre propre positionnement.
Il est vrai qu’avec l’Ascension, on peut dire que Jésus, la tête du Corps qu’est l’Église, remonte au Ciel laissant son Corps sur terre. Cette image permet de comprendre que l’Église est à la fois au Ciel, par Jésus, et sur terre par les Apôtres et les disciples. L’Église, comme son Fondateur Jésus, est de nature céleste et terrestre ; elle est la fois divine et humaine, elle à la fois dans le monde tout en étant en dehors du monde : « Le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. »
Frères et sœurs, il faut s’arrêter sur cette question du rapport au monde parce qu’elle est très importante pour l’Église et pour chacun de nous ; je dirais même qu’elle est déterminante et qu’elle entraîne des conséquences importantes. La particularité du chrétien est qu’il vit dans le monde, mais qu’il est destiné à vivre dans l’autre-monde, il vit dans le temps mais est destiné à vivre dans l’éternité, il doit préparer sa vie éternelle à partir de sa vie dans le monde. Sa finalité n’est pas ce monde, mais son salut se joue dans ce monde. Sans être du monde, il est appelé à aimer ce monde, à y vivre et à l’ordonner à Dieu. Le disciple de Jésus doit aimer ce monde, même s’il sait que ce dernier est à convertir et à évangéliser. Cette juste distinction est fondamentale pour un bon équilibre et pour préparer son salut. Pour dire les choses autrement, il faut se garder de deux attitudes dangereuses et fausses : la première qui consiste à ne pas aimer ce monde, le voyant comme la source de tous les maux. Jésus a aimé ce monde et Il a donné sa vie pour ce monde. En outre, cette attitude reviendrait à oublier que l’Esprit-Saint habite ce monde et le travaille. La deuxième qui consiste à n’avoir aucune distance avec ce monde oubliant que nous ne sommes pas destinés à ce monde et voyant dans ce monde le lieu de notre bonheur et de notre salut. Si ce que je vous dis là est trop théorique, je vous donne deux exemples qui vous montrent les implications spirituelles de ces deux dérives. Dans un cas, des chrétiens auront peur de s’affirmer comme ne pensant pas comme le monde : on le voit aisément lors des dernières lois sociétales, contraires à l’Évangile, qui ont été votées. On a l’impression que lorsqu’on ne pense pas comme le monde, on est perdu, discrédité, rejeté et que pour que l’Église avance, il faut qu’elle se modèle sur le monde…C’est oublier que l’Évangile est une force de contradiction avec le monde comme le dit Jésus lui-même et comme le redira St Paul. Dans un autre cas, on voit dans personnes et des groupes ne vivre qu’entre eux, ne se mêlant pas au monde, aux autres, de peur d’être contaminés ou de perdre une certaine pureté. Cette attitude est contraire à l’Évangile qui envoie justement les disciples dans le monde. Vous voyez combien cette question est importante et déterminante et combien elle a d’incidence. Cette prière de Jésus nous rappelle que nous ne sommes pas faits pour ce monde mais que nous y sommes envoyés et que nous sommes appelés à l’aimer comme Dieu.
La prière de Jésus pour nous porte une première intention : que nous soyons unis dans le Nom de Dieu. « Dans son Nom », nous dit Jésus en parlant de son Père. C’est important ; Jésus nous redit que la source de l’unité est en Dieu. C’est Lui la source et le garant de notre unité. Trop souvent, l’unité n’est perçue que comme le rassemblement des personnes qui partagent les mêmes goûts, les mêmes opinions et, sur un plan ecclésial, les mêmes sensibilités. Il en était particulièrement ainsi sur cette paroisse quand je suis arrivé. Il y avait un semblant d’unité, un vernis d’unité, rendu en réalité par des personnes qui partageaient les mêmes options, mais pas du tout ouverts à une vraie diversité, qu’elle soit communautaire, sociale ou liturgique. Bien sûr, rien n’est parfait ; mais l’unité à laquelle nous sommes appelés est aujourd’hui plus exigeante et un peu plus profonde parce qu’elle intègre une diversité plus marquée. Il n’y a que regarder la physionomie de notre assemblée dominicale. La source de l’unité est en Dieu et il n’y a qu’en Lui que l’on fait de la place aux autres qui sont différents et que l’on reconnait avoir besoin des autres qui sont différents.
« Garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que Tu m’as donné. » Le Nom de Jésus, justement…que signifie-t-il ? Jésus signifie : Dieu sauve. Cela veut dire que notre unité se réalise dans une expérience de salut. On est unis pas parce que l’on s’aime bien, pas parce que l’on pense pareil, etc…, mais parce que l’on est sauvé ensemble par le même Dieu. Cela veut dire, Frères et Sœurs, que notre unité repose sur une réalité de conversion et de salut. Il ne peut pas y avoir de véritable unité si nous ne faisons pas l’expérience du salut, si nous ne sentons pas la nécessité de convertir notre vie, de nous tourner vers Dieu et de vivre selon ses enseignements. Si nous nous interrogeons sur la qualité de notre unité, qu’elle soit familiale, paroissiale, ecclésiale, demandons-nous dans quelle mesure nous ressentons le besoin d’être sauvés et dans quelle mesure nous convertissons notre vie. La véritable clé de l’unité des disciples de Jésus, au-delà des slogans incantatoires, repose sur deux piliers : la conversion personnelle et la communion que nous avons avec Jésus.
La prière que Jésus fait à son Père comporte une deuxième intention : « Je ne prie pas pour que Tu les retires du monde, mais pour que Tu les gardes du Mauvais. » Dans ces paroles, Jésus assume la réalité d’un certain combat contre le Mal, contre le Mauvais, combat que Jésus a déjà mené en sa propre personne. Pour mener ce combat, Jésus nous donne deux moyens : « Sanctifie-les dans ta vérité. » La Vérité, c’est Jésus lui-même. « Je suis le chemin, la vérité, la vie » nous dira Jésus. Nous retrouvons ici l’invitation à vivre en communion avec Jésus, la Vérité, pour tenir et gagner nos combats contre le Mauvais. Mais il y a aussi une invitation à vivre dans la vérité qui est un rempart contre le mal, c’est-à-dire, à vivre en étant vrais dans nos paroles, nos actes, nos engagements, nos relations au-delà des arrangements, des mondanités, des intérêts. Le deuxième moyen que nous donne Jésus, c’est de nous appuyer sur sa Parole : « Sanctifie-les dans la vérité. Ta parole est vérité. » Nous trouverons un appui pour combattre le Mal dans la Parole de Dieu, dans l’Écriture qui non seulement nous édifie par les exemples qu’elle nous propose, mais aussi nous instruit puisque Dieu nous parle à travers celle-ci.
Frères et sœurs, ayons à cœur de recourir aux armes que Jésus nous a laissés pour pouvoir vivre dans ce monde et nous préparer à la vie éternelle à laquelle nous sommes appelés. Amen !
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