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4ème Dimanche du Temps ordinaire
« Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. »
Frères et sœurs,
Nous commençons avec ce dimanche une section importante de l’Évangile appelé « le Sermon sur la Montagne » qui ouvre le début du ministère public de Jésus par un enseignement important. St Mathieu nous montre à sa manière l’entrée dans la Nouvelle Alliance faisant un parallèle entre Jésus, Maître de la Nouvelle Alliance, et Moïse, Maître de l’Ancienne Alliance. C’est ce que je voudrais regarder avec vous pour vous donner les grandes lignes permettant de comprendre cette longue section d’enseignement et d’entrer dedans.
Le lieu de l’enseignement est tout d’abord la montagne, lieu riche en signification vétéro-testamentaire comme en signification néo-testamentaire. La montagne renvoie tout d’abord au Mont Moriah, lieu du sacrifice d’Isaac, sur lequel, des années plus tard, Salomon édifiera le Temple de Jérusalem pour offrir d’autres sacrifices. La montagne renvoie ensuite au Mont Sinaï, lieu où Dieu donna par deux fois la Loi à Moïse. On peut évoquer encore le mont Néboh, lieu d’où Moïse et Josué aperçurent la Terre Promise avant d’y entrer. Puis dans le Nouveau Testament, nous aurons le Mont Tabor, lieu de la Transfiguration de Jésus et donc lieu de la révélation de sa divinité, ainsi que le Golgotha, lieu de la crucifixion de Jésus. Donc, la Montagne, et le Mont des Béatitudes, n’est pas un lieu ordinaire. La montagne est le lieu de la Rencontre de Dieu, de la Communion avec Dieu, le lieu du don de la Loi et donc le lieu de l’Alliance, ancienne Alliance avec les Tables de la Loi ; nouvelle Alliance avec la crucifixion de Jésus.
Dans le passage d’Évangile que nous entendons ce matin, le Mont des Béatitudes apparait plutôt comme le nouveau Sinaï, Jésus devenant le nouveau Moïse. Il y a un détail qui nous dit cela, outre le fait que Jésus enseigne comme Moïse le fera, c’est que Jésus s’assoit pour enseigner. La position assise est celle de l’enseignement. Jésus dira d’ailleurs lui-même en parlant des Pharisiens et des docteurs de la Loi qu’ils s’assoient dans la chaire de Moïse pour y enseigner. Le Mont des Béatitudes devient la chaire de Jésus qui enseigne.
Mais dans l’Ancien Testament, la montagne est souvent le lieu de théophanies grandioses. Lorsque Moïse monte sur le Mont Sinaï, il y a des éclairs, de la foudre, des tremblements de terre, des nuées. Bref, la présence de Dieu est manifestée par tous ces phénomènes surnaturels. Avec toute la symbolique que nous avons évoquée, on passe des théophanies grandioses à la Croix. Désormais, il ne s’agit plus d’entrer dans les nuées mystérieuses avec les éclairs, le tonnerre, mais il s’agit d’entrer dans le feu mystérieux de l’amour crucifié. St Matthieu nous dit à sa manière que l’on passe de la Loi à l’Amour.
Ce passage nous est confirmé en quelque sorte par le fait que cette section du Sermon sur la Montagne s’ouvre sur les Béatitudes qui nous redisent l’appel inconditionnel au bonheur ; « Heureux » est le mot qui ouvre chacune des paroles de Jésus. Le fait que St Matthieu place en tout début de l’enseignement de Jésus les Béatitudes n’est pas anodin ; il nous redit que Jésus nous appelle au Bonheur et que suivre Jésus, c’est le chemin qui conduit l’homme à être heureux. Alors, nous comprenons bien que le bonheur auquel nous sommes appelés est un bonheur qui sera plein, entier et total au Ciel, en Dieu et avec Dieu. On peut dire que c’est un bonheur eschatologique ; pour autant, il n’est pas impossible de le vivre déjà, en une sorte d’avant-goût, dès notre vie terrestre.
L’enseignement des Béatitudes nous appelle à un renversement complet dans notre manière de vivre. Il s’agit de fonder d’abord sa vie en Dieu, dans cette promesse de vie éternelle en Dieu, pour pouvoir vivre notre vie terrestre ; et notre enracinement dans la vie éternelle nous permet de transformer notre vie humaine. Ainsi, le chrétien peut à la fois vivre des épreuves, comme la maladie, le deuil, la souffrance, et à la fois être habité par le bonheur. Nous voyons bien que cette habitation du bonheur dans la réalité de la souffrance ne peut être que le résultat de la présence de Dieu. La deuxième lecture nous présente ce renversement chrétien : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages. (…) Ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi pour réduire à rien ce qui est. » La clé, St Paul nous la donne : « Celui qui veut être fier, qu’il mette sa fierté dans le Seigneur. » Enracinons-nous d’abord en Dieu pour vivre notre vie terrestre ; voilà comment être déjà heureux dès ici-bas.
Il y a un autre appel à travers l’enseignement des Béatitudes : découvrir une communion avec Jésus. Non seulement Jésus a vécu personnellement chacune de ces Béatitudes, mais en plus les Béatitudes nous font communier à la Croix et à la Résurrection de Jésus : nous vivons en même temps la souffrance et la victoire de Dieu. Vivre les Béatitudes nous conduira à cette communion personnelle avec Jésus et nous conduira à vivre du mystère pascal de Jésus, le seul, capable de transformer chacune de nos vies. Cette invitation personnelle qui nous est faite est aussi une invitation qui est faite à l’Église à entrer dans cette communion avec son Maître et Époux. En ce sens, il est important de regarder la porte d’entrée de ces Béatitudes, c’est-à-dire la première des Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux. » On ne peut passer sur le fait que la pauvreté est la condition première pour entrer en Communion avec Jésus. Il ne s’agit pas de la pauvreté matérielle, mais de la pauvreté de cœur, de la pauvreté évangélique, celle qui fait que l’on apprend à tout recevoir de Dieu. L’Église, comme chacun de nous, est sans cesse rappelée à la pauvreté pour être davantage fidèle à Dieu. Il y a ces grandes figures de pauvreté qui s’inscrivent dans les vrais pauvres du Peuple d’Israël, qui marquent l’Église, et le peuple de Dieu, par leur radicalité. Je pense à St Antoine, un des premiers Pères du désert, qui va ouvrir la voie à la vie monastique ; je pense à François d’Assise, ou encore à Ste Thérèse de Lisieux qui disait qu’un jour elle paraitrait devant Dieu les mains vides et qu’elle les lui tendrait ouvertes. Ces mains-là n’agrippent pas, elles ne retiennent pas, elles s’ouvrent et elles donnent, prêtes à s’abandonner à la bonté de Dieu qui donne. Toutes ces figures de pauvreté savent qu’intérieurement, elles sont pauvres, qu’elles aiment tout en recevant simplement ce que Dieu leur donne et que c’est précisément cela que de vivre en accord intime avec l’être et la Parole de Dieu. Cette pauvreté, conforme à l’esprit de l’Évangile, est ce qui redonne à l’Église et aux disciples de Jésus sa liberté intérieure. Demandons la grâce au Seigneur de pouvoir vivre les Béatitudes en Communion avec Jésus pour en faire un chemin de bonheur. Amen !
Yorumlar