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33ème Dimanche du temps ordinaire
« De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. »
Frères et sœurs,
Les fins d’année liturgique abordent toujours la question mystérieuse de la venue du Seigneur, que celle-ci ait lieu à la fin des temps, ce qui correspond à la fin de notre année liturgique, ou que celle-ci ait lieu avant l’Incarnation ce qui va correspondre au temps de l’Avent dans lequel nous allons entrer maintenant prochainement. Je souhaiterais méditer avec vous sur le mystère de la venue du Seigneur à travers le prisme de la prière.
L’Évangile que nous venons d’entendre décrit une situation que nous pouvons reconnaître : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées ». Si les catastrophes naturelles ou les cataclysmes toujours existé, nous les voyons aujourd’hui se produire devant nos yeux. Quels que soient les raisons qui motivent ces catastrophes, ces dernières nous révèlent une perturbation et un désordre dans l’ordre naturel des choses. Pour sa part l’Évangile évoque cette réalité. Tous les repères cosmiques seront perturbés : les astres qui ont pour mission dans le livre de la Genèse au récit de la création d’être des repères pour nous n’honoreront plus leur mission. Tous nos repères de vie seront perturbés. Nous pouvons envisager la perturbation des repères évoqués par Jésus dans un autre ordre que le seul ordre cosmique. Il peut s’agir de nos repères de vie en société. Nous le voyons avec la multiplication des lois contraires à la loi naturelle et à la loi évangélique. Nous le voyons encore à travers les multiples persécutions qui sévissent contre l’Église et ses fils à travers le monde.
Pour autant, Frères et Sœurs, je vous mets en garde contre une lecture catastrophique de ces évènements. Fondamentalement, je ne crois pas qu’ils sont plus présents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient auparavant ou encore qu’ils sont pires. Peut-être les catastrophes naturelles rejoignent-elles une période de décadence dans nos sociétés, mais cela a déjà existé précédemment, je reviendrai dessus plus loin. La pointe de la réflexion n’est pas dans ce constat catastrophique mais dans le fait que Jésus nous en donne le sens : « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et grande gloire. » La bonne nouvelle qui est contenue dans tous ces évènements, c’est qu’ils sont le signe de la venue du Seigneur. En ce sens, le constat catastrophique devient apocalyptique, c’est-à-dire la révélation de la présence cachée du Seigneur. Et c’est une donnée très importante pour nous Chrétiens. Elle nous redit, qu’en tant que Chrétiens, nous ne pouvons pas nous limiter à poser des constats alarmistes, catastrophiques, pessimistes, mais au-delà de ces données naturelles que nous voyons, nous sommes appelés à poser un regard surnaturel, c’est-à-dire un regard qui cherche à discerner la Révélation et la présence du Seigneur parce que nous savons qu’Il se rend présent lorsque ces signes-là sont actifs : « Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent des feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous-aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. »
Je voudrais vous donner quelques exemples de ce que je vous dis là, quelques exemples qui montrent la pertinence d’un regard surnaturel sur des réalités naturelles.
En premier lieu je commence par un exemple théologique. Je pense précisément à la question de la Passion et de la Résurrection de Jésus. Aux yeux des disciples de Jésus, la Passion semble être la fin et l’écroulement de toute la dynamique vécue et insufflée par Jésus. Celui qui apparaissait alors comme le maître des éléments naturels, doté de pouvoirs divins, capable de guérir les malades, de ressusciter les morts, de multiplier les pains et les poissons, apparaît vaincu définitivement avec la crucifixion. Voilà ce que donne le regard naturel. Pour autant, la suite des évènements avec la Résurrection de Jésus nous montre qu’il y avait un germe dans la Passion, une réalité surnaturelle déjà à l’œuvre et qui resplendira dans la Résurrection. La Résurrection du Christ appellera alors à poser un regard nouveau sur la lecture des évènements qui ont précédé, mais appellera également une réalité nouvelle. Les évènements décrits dans l’Évangile, les catastrophes cosmiques, renvoient aux évènements qui se sont passées lors de la Passion de Jésus. Théologiquement, ou dans l’ordre de la foi, nous savons donc que lorsque ces évènements arrivent, il y a une réalité nouvelle qui est déjà à l’œuvre.
Je pense maintenant à deux autres exemples sur un plan historique. Tout d’abord l’empire romain. L’empire romain a connu sur sa fin une décadence morale qui a entraîné un affadissement des mœurs, et qui fait qu’il n’a pu résister aux assauts des Barbares. On aurait pu croire ou craindre que la toute jeune chrétienté, à peine reconnue comme religion de l’empire romain, disparaisse en même temps que l’empire romain. Or il n’en est rien. L’empire romain s’est divisé, s’est écroulé, mais la chrétienté a survécu et s’est consolidée pour donner un des plus beaux exemples dans notre histoire occidentale de subordination des réalités terrestres chrétiennes aux réalités célestes, d’ordonnancement des réalités temporelles aux réalités spirituelles.
Je prends un exemple plus récent : les multiples persécutions qui frappent l’Église dans notre monde sont l’occasion d’une fécondité ecclésiale et d’une fécondité de vocations. Je pense par exemple à des pays comme la Corée, le Vietnam, ou plus proche de nous en Europe ou des pays comme l’Irlande, la Pologne qui ont connu des oppressions, voire des persécutions, pour l’une des Anglais protestants, pour l’autre des Suédois, des Russes communistes, des Allemands nazis, et nous voyons que ces Églises ont donné des Églises jeunes, fécondes, et fortes. Que cela soit sur le plan théologique ou historique, la réalité nous montre que le Seigneur est présent dans les situations de troubles, de perturbations, et qu’Il est déjà en train de faire advenir une réalité nouvelle.
Alors, forts de ces réflexions, que pouvons-nous en dire au sujet de la prière ? Deux choses. Premièrement la prière est le lieu où l’on cherche la présence du Seigneur, où l’on présente nos réalités temporelles à Dieu pour laisser l’Esprit Saint nous révéler la présence mystérieuse, parfois voilée, du Seigneur, là un autre regard naturel ne le verrait pas. La prière est le lieu par excellence d’éducation au regard surnaturel à poser sur des réalités naturelles. Une prière qui ne cherche pas Dieu n’est pas une vraie prière. La prière chrétienne est orientée vers Dieu même si elle part de nous. Elle ne conduit pas à nous. Frères et sœurs, nous avons un rôle important à jouer aujourd’hui. Non pas que nous soyons supérieurs ou meilleurs que les autres, mais notre regard de chrétien est important dans notre monde qui se déchristianise Car, par la foi, nous pouvons aider à révéler la présence cachée de Dieu dans un monde qui cherche à Le mettre de côté ou à ne pas Le voir. Fondamentalement nous avons quelque chose à apporter à notre société et à notre monde.
Deuxièmement, la prière est le lieu où se construit une réalité nouvelle qui est celle que Dieu crée dans notre monde, dans notre cœur, dans nos vies, à travers nous. L’Évangile nous montre que l’ancien monde s’écroule, mais que Dieu construit un monde nouveau avec des réalités nouvelles. C’est ce qu’apporte la Résurrection de Jésus avec une vie nouvelle qui jaillit de la mort. C’est ce que l’Évangile nous dit à travers la parole : « Le ciel et la Terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » Cette création nouvelle que Dieu réalise s’accomplit dans la prière où nous accueillons la Parole éternelle de Dieu qui continue de nous créer.
Frères et sœurs, soignons notre prière, nos temps d’Adoration du Saint-Sacrement, cherchons-y la présence de Dieu ; laissons nous renouveler par la grâce de Dieu dans la prière et les sacrements. Dieu fait de nous des êtres nouveaux pour une création nouvelle. Amen !
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