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31ème Dimanche du temps ordinaire
« Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »
Frères et sœurs,
Ces paroles saintes sont comme le cœur nucléaire de l’Ancien Testament. On peut les considérer comme une profession de foi, comme le Credo pour nous catholiques, ou comme la prière du Notre-Père. Ces paroles saintes disent l’identité profonde de Dieu qui est Un et elles nous donnent le commandement de L’aimer de toutes nos forces et avec toutes nos puissances. Dans le passage un peu plus complet du livre du Deutéronome d’où sont tirées ces paroles dans la première lecture, Moïse prononce ses paroles avant sa mort comme une sorte de testament et de commandement qu’il laisse au peuple d’Israël. Les juifs fidèles, selon les paroles de Moïse, redisent cette prière deux fois par jour : au moment du lever et au moment du coucher. Ils les redisent également sur le lit de mort du défunt. Et conformément aux paroles prononcées par Moïse, ils portent cette profession de foi sur eux-mêmes afin de pouvoir s’en souvenir et la dire partout où ils sont : ils les portent sur leur bras et entre les yeux, c’est ce que nous voyons notamment chez les juifs orthodoxes. Ils l’inscrivent également sur le linteau des portes de leur maison. C’est dire l’importance de ces paroles et le caractère sacré qu’elles ont.
Je voudrais attirer votre attention sur 2 points. Premièrement ces paroles saintes nous donnent le premier commandement qui est en réalité d’écouter Dieu. « Écoute Israël » Moïse donne comme premier commandement au peuple d’Israël d’écouter Dieu. Écouter Dieu est le premier de tous les commandements qui nous permet d’entrer en relation avec Lui et de Lui répondre. C’est d’ailleurs la première parole que Saint-Benoît reprend dans sa règle bénédictine : « Écoute, ô mon fils, les préceptes du maître et incline l'oreille de ton cœur ; reçois volontiers les conseils d'un tendre père, et mets-les en pratique, afin que le labeur de l'obéissance te ramène à Celui dont t'avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. »
Dans l’Évangile, Jésus reprend comme tout bon Juif qu’il est cette profession de foi du peuple d’Israël. Il nous redit par-là que le premier de commandement est d’écouter Dieu, ce que lui-même fit par sa vie où, en écoutant son Père, Il racheta la désobéissance des hommes qui n’écoutaient pas Dieu et se détournaient de Lui. La question du commandement de l’amour vient dans un deuxième temps, mais elle découle fondamentalement du lien à Dieu.
Le deuxième point que je reprends est que dans le commandement que Moïse laisse au peuple d’Israël, il dit : « Tu le rediras à tes fils, tu le répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé. » Moïse demande donc la transmission de ce commandement en famille. « Tu le rediras sans cesse à tes fils » ; il y a ici, je crois, une donnée importante par rapport à la transmission de la foi en famille.
Frères et sœurs, quelles soient les évolutions de notre société, la déchristianisation ambiante que nous vivons, parfois la décatholicisation des écoles catholiques, il vous faut prier en famille et transmettre la foi en famille. Voilà la cellule de résistance qui permettra à la foi d’être transmise et nourrie. Priez en famille. Lisez la Parole de Dieu en famille, l’Évangile de la messe du lendemain ou bien l’Évangile du dimanche qui suit. Et n’hésitez pas, vous grands-parents, à prier avec vos petits-enfants quand vous les avez ou vous les couchez ; n’hésitez pas à les emmener visiter le Saint-Sacrement à l’église, à mettre un cierge, à faire une prière avec eux. Chez combien de chrétiens d’aujourd’hui, la foi a été transmise grâce à un grand-père ou à une grand-mère ; prenez ce rôle-là au sérieux, surtout si les parents sont débordés ou bien se sont éloignés de la foi.
Je passe maintenant à la suite de la réponse de Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Et voici le second : tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ici à nouveau j’attire votre attention sur 2 points.
Le premier est que Jésus nous révèle que l’amour a 4 dimensions : une dimension affective, une dimension spirituelle, une dimension psychique, et une dimension physique. Trop souvent voyez-vous nous réduisons l’amour à la seule fonction affective. Aimer devient pour nous synonyme de ‘j’ai de la sympathie ou j’apprécie telle ou telle personne’. Mais c’est une réduction. L’amour complet honore les 4 dimensions que je viens de nommer : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ». Alors frères et sœurs, demandons-nous comment nous aimons Dieu avec nos sentiments, mais aussi avec nos puissances spirituelles, je pense particulièrement à la prière, à l’Adoration, à la lecture de la Parole de Dieu, à l’oraison ; comment aimons-nous Dieu avec notre esprit ? c’est-à-dire avec notre intelligence. Comment cherchons-nous à approfondir le mystère de la foi ? Quelles lectures faisons-nous ? Souvenons-nous de la formule Credo ut intellegam, intellego ut credam (je crois pour comprendre, je comprends pour croire), formule initiée par Saint-Augustin et complétée par plus tard par Saint Anselme de Cantorbéry dans sa deuxième partie. Notre foi, notre relation à Dieu a besoin d’être nourrie par notre intelligence pour grandir. Enfin demandons-nous comment nous aimons Dieu avec nos forces physiques. C’est-à-dire quelles énergies, quelle fatigue, mettons-nous en œuvre pour aimer Dieu ? Cette dernière dimension nous rappelle que nous avons un corps et que l’amour englobe la dimension physique de notre être.
Le deuxième point qui requiert mon attention est l’ajout que fait Jésus concernant l’amour du prochain : « Et voici le second : tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ici Jésus nous donne les clés pour un équilibre difficile. Il est difficile d’aimer son prochain et Jésus nous révèle que ce qui nous aidera est le juste amour que nous nous portons à nous-mêmes. Il est également difficile de s’aimer justement soi-même et Jésus nous apprend que ce qui nous aidera à nous aimer de manière juste est l’amour que nous portons au prochain. Le péché nous conduit à favoriser l’un au détriment de l’autre. Jésus nous révèle en fait que l’un a besoin de l’autre et que l’un peut exister grâce à l’autre qui vient le tempérer et l’ajuster. Au-delà de cet équilibre difficile, nous faisons l’expérience qu’il n’est pas aisé de s’aimer justement soi-même ni d’aimer justement les autres.
La clé de cet équilibre compliqué réside dans la personne même de Jésus, puisque c’est en Lui que se rencontrent de manière parfaite l’amour de Dieu et l’amour du l’amour du prochain. Pour grandir dans l’amour de Dieu, pour grandir dans l’amour du prochain et dans l’amour de soi-même, il faut être en communion avec Jésus qui représente la perfection de l’amour dans toutes ses dimensions, verticale et horizontale. Aimer son prochain comme soi-même est impossible sans passer par Jésus ; aimer Dieu totalement est impossible sans passer par Jésus. Frères et sœurs, quelle chance ont ceux qui adorent le Saint-Sacrement et qui prennent le temps de se mettre devant Jésus. Quel que soit le contenu de leur prière, ils grandissent de manière naturelle et de manière surnaturelle dans l’Amour de Dieu, l’Amour du prochain et l’Amour juste de soi. L’Adoration du Saint-Sacrement est le lieu par excellence de croissance dans l’Amour.
Outre la croissance dans l’Amour, la conséquence d’une communion plus profonde avec Jésus, perfection de l’Amour, sera une croissance dans le don de nous-mêmes pour vivre une sorte de Sacerdoce, c’est-à-dire étymologiquement de don sacré, de don consacré. L’auteur de la Lettre aux Hébreux évoque la supériorité du Sacerdoce de Jésus par rapport au sacerdoce de l’Ancien Testament parce ce que c’est un sacerdoce éternel et parfait en la personne de Jésus. Mais le sacerdoce n’est pas que réservé aux prêtres avec le sacerdoce ministériel ; il est aussi offert à tout baptisé, appelé à offrir sa vie par amour aux autres.
Frères et sœurs, en ce dimanche, demandons la grâce au Seigneur d’une plus grande écoute à ce que Dieu nous dit ; demandons la grâce d’une plus grande communion avec Jésus pour grandir dans l’Amour et dans le don de nous-mêmes. Amen !
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