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30ème Dimanche du Temps ordinaire
« Aussitôt l’homme retrouva la vue et il suivait Jésus sur le chemin. »
Frères et sœurs,
Cet Évangile met en scène une question d’appel. Tout d’abord, il y a Bartimée qui appelle Jésus ; puis Jésus qui l’appelle, en passant par ses disciples pour leur demander d’appeler l’aveugle. Je voudrais donc réfléchir avec vous sur l’appel. Fondamentalement, Dieu appelle l’homme à vivre avec Lui, à vivre de sa vie. Dieu appelle et l’homme répond. Voici le premier enseignement de cette page d’Évangile ; même si dans les faits, c’est Bartimée qui, en premier, appelle Jésus, dans le fond, c’est Jésus qui suscite l’appel de Bartimée en passant devant lui, comme il suscitera l’appel de Zachée et de tant d’autres.
Nous aussi, nous faisons cette expérience dans notre vie spirituelle qu’à un moment donné, nous avons appelé Dieu et Dieu nous a répondu. Et puis dans le temps, nous découvrons après que c’est en fait Lui qui nous faisait L’appeler. Dieu est toujours premier même si dans les faits nous ne nous en rendons pas compte tout de suite. Il y a un autre élément qui est intéressant. Jésus va appeler Bartimée à venir Le voir, mais pas de manière directe. Il choisit de passer par ses disciples en leur disant : « Appelez-le ». Et les disciples retransmettent cet appel en disant à Bartimée : « Confiance, lève-toi, il t’appelle. » Le deuxième enseignement de cette page d’Évangile est que l’appel que Dieu nous adresse n’est pas toujours direct ; il passe la plupart du temps par des médiations. Frères et Sœurs, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, mais à travers un service d’Église que l’on vous demande, un service paroissial, un service dans votre vie, demandez vous toujours si fondamentalement cet appel ne vient pas de Dieu. Et si nous sommes des intermédiaires choisis par Dieu pour répercuter son appel, ne perdons jamais de vue que le but recherché est de répondre à Dieu et de mettre en relation avec Lui. Il existe un péché qui consiste à faire obstacle ou écran à Dieu pour tirer à soi.
Maintenant nous pouvons nous demander qui Dieu appelle. La prophétie de Jérémie entendue dans la première lecture nous redit que Dieu est un Père qui accueille et rassemble tous ses enfants. Tous sont appelés par Lui. Aussi bien les fidèles, que les disciples, que les foules et que les gens bien plus éloignés. L’Évangile du jour nous montre trois cercles autour de Jésus : il y a tout d’abord le cercle des disciples qui suit Jésus, puis le cercle des foule nombreuses, et enfin ceux qui sont sur le bord du chemin comme Bartimée. Je vous ferais remarquer que Bartimée est sur le bord du chemin et non pas en dehors du chemin. Si le chemin est le symbole de Jésus qui dira de Lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », nous remarquons que tous sont appelés à sa suite : aussi bien ceux qui sont déjà sur le chemin que ceux qui sont sur le côté. Frères et Sœurs, comment sommes-nous attentifs aux appels de ceux qui sont sur le bord du chemin ? Je pense à ceux qui sont pauvres, non pas au sens de la misère, mais au sens évangélique. C’est-à-dire, ceux qui vivent pauvrement, abandonnés avec confiance à la Providence, qui vivent avec un cœur profondément ouvert à Dieu. Je pense aux catéchumènes, aux recommençants qui ne sont pas encore complètement sur le chemin du Christ mais qui sont sur le côté et qui s’interrogent et regardent passer. Si nous sommes appelés à les conduire à Jésus comme dans l’Évangile, il faut bien que nous ayons en tête que le principe d’adhésion de ces personnes sur le bord du chemin à la foule des disciples, ne repose pas sur la sympathie que nous pouvons avoir avec eux et réciproquement, ni sur la proximité du point de vue d’opinions, de sensibilité, mais sur la rencontre avec Jésus. Sinon, nous allons créer des groupes, des adhésions qui ne seront pas solides et ne tiendront pas dans le temps. L’Église repose sur l’adhésion au Christ, elle n’est pas d’abord un groupe de pression qui transmettrait des valeurs, des principes, des orientations ou des conseils. Deux principes sont fondamentaux dans l’adhésion à Jésus : la rencontre avec Lui et la foi. Dans l’Évangile, Jésus souligne la foi de Bartimée lorsqu’Il lui dit : « Ta foi t’a sauvé. » La foi n'est pas répandue que dans le cœur des disciples de Jésus, mais elle existe presque chez tous les hommes. Ce sont sur ces réalités objectives, la foi et la rencontre avec Jésus, qu’il faut construire l’adhésion au Christ et à l’Église. C’est comme cela que l’Église s’est constituée et a grandi : en accueillant toujours les appels distincts du groupe des disciples. Ainsi, la fermeture de cœur des Juifs a permis l’ouverture de l’Église au monde païen. Le fait de ne pas pouvoir passer en Bithynie a permis à Paul d’entendre l’appel d’un Macédonien à apporter l’Évangile en Grèce. Cette réalité historique montre que l’appel à suivre Jésus s’adresse à tous, sans opposer les uns aux autres, les chrétiens d’origine juive aux chrétiens d’origine païenne, les déjà disciples de Jésus aux nouveaux appelés et venus, les appelés de la première heure et les appelés de la dernière heure.
Frères et sœurs, il faut donc nous demander quels sont les appels qui dérangent. J’entends par ici les appels qui viennent de Dieu et non pas de groupes de pressions idéologiques qui veulent modeler l’Église sur les idéologies humaines. C’est souvent à travers ces derniers (les appels qui viennent de Dieu) que Dieu fait grandir son Église. Je crois qu’il y a certainement ici une piste de croissance pour l’Église dans nos sociétés occidentales déchristianisées pour lui permettre de reprendre une dynamique de croissance. Par exemple, le nombre important de catéchumènes qui frappent aux portes des paroisses aujourd’hui en France pousse cette dernière à accueillir ces demandes nouvelles. Et c’est à ce point fort, que l’Église en France reconnaît elle-même qu’elle n’est pas aujourd’hui suffisamment en mesure de répondre correctement à cette foule nombreuse qui frappe à sa porte. Elle est donc obligée de se réformer et de s’adapter. C’est certainement ainsi que Dieu lui permet de grandir et de se renouveler.
Il reste un point à aborder ; c’est celui des oppositions à l’appel. L’Évangile nous montre que l’appel de Bartimée est contrarié, que l’on veut le faire taire. Et ce silence qu’on réclame ne vient pas de personnes extérieures à la suite de Jésus, mais vient des disciples eux-mêmes. Nous touchons ici une réalité importante et désolante de l’Église. Les plus grandes forces d’opposition à l’Évangile ne viennent pas forcément de l’extérieur de l’Église mais de l’intérieur, de notre cœur de disciple. Chacun de nous doit donc garder au plus profond de son cœur une profonde docilité aux appels qui ne viennent pas de l’intérieur de l’Église mais plutôt du bord de l’Église. Et si des appels nous dérangent, plutôt que de vouloir les faire taire, faisons comme dans l’Évangile, conduisons les personnes à Jésus. Les conduire à Jésus, ce n’est pas reconnaître que leur appel est juste et qu’ils ont raison dans ce qu’ils demandent ou réclament, c’est simplement les mettre en relation avec Celui qui est le chemin, la vérité et la vie. Outre cette vigilance profonde que nous devons avoir les uns les autres, Jésus nous montre dans l’Évangile que l’antidote qui nous permet de vivre ses contradictions et ses obstacles est la foi. La foi de Bartimée est celle qui lui permet d’accéder à Jésus ; elle est celle qui lui permet de surmonter les obstacles ; elle est celle qui lui permet d’être exaucé et enfin elle est celle qui lui permet de suivre Jésus sur le chemin. La suite du Christ appelle de notre part une attitude de foi.
Frères et sœurs, au cours de cette messe, prions pour toutes les personnes dont la foi est éprouvée, dont la foi est vacillante. Prions pour toutes les personnes qui s’approchent timidement de Dieu, de Jésus, mais qui parfois peuvent être refroidies par l’attitude des croyants ou de l’Église. Demandons la conversion du cœur pour ne pas faire taire ou mettre de côté les appels qui dérangent, mais pour conduire les personnes à Jésus ; c’est ainsi que notre Église grandira et se consolidera en répondant à l’appel que Dieu nous lance à tous, à savoir devenir ses enfants. Amen !
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