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3ème Dimanche du Temps ordinaire
« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »
Frères et sœurs,
La première lecture que nous avons entendue nous donne une vision de ce qu’est une liturgie à la synagogue. Nous retrouvons un certain nombre d’éléments bien connus, puisque nous les avons repris dans la liturgie chrétienne. Juste une différence de fond pour vous faire sourire, notamment pour ceux qui se plaignent de la longueur de la messe ici à la collégiale. Je reprends le Prophète Néhémie : « Esdras fit la lecture dans le Livre depuis le lever du jour jusqu’à midi… » c’est-à-dire plus de 6 heures, le jour se levant plus tôt que chez nous en Israël. Alors bien sûr, il y a la lecture, puis la traduction, puis les commentaires…
Je reprends quelques éléments communs : tout d’abord, la lecture est faite par une personne consacrée, en l’occurrence le prêtre Esdras. Dans la liturgie catholique, c’était autrefois une personne consacrée qui devait lire l’Écriture, un clerc ayant reçu le ministère du lectorat. Depuis le Concile Vatican II, la possibilité a été donnée aux fidèles baptisés de lire la Parole de Dieu lors de célébrations ; mais l’Évangile reste attribué à une personne consacrée, diacre ou prêtre. Le peuple est présent et répondra à la proclamation de la lecture « Amen, Amen », ce que vous faîtes en répondant à la fin des lectures « Nous rendons grâce à Dieu » et à la fin de l’Évangile « Louange à Toi Seigneur Jésus » reconnaissant que c’est Dieu qui nous parle à travers l’Écriture et Jésus à travers l’Évangile. Le peuple se met debout quand la lecture commence, signe de l’acte de foi en la présence de Dieu dans l’Écriture, ce que nous avons gardé pour l’Évangile, affirmant en plus par notre position debout notre foi en la Résurrection de Jésus. Le peuple se prosterne, signe de sa foi en Dieu qui lui parle à travers l’Écriture. Nous aussi, nous voyons une présence spirituelle de Dieu dans l’Écriture. Les lévites traduisent ; nous aussi, les lectures ont été traduites d’abord de l’hébreu au grec, puis du grec au latin, puis du latin aux langue vernaculaires.
En fait, ce qui nous est donné à voir dans cette scène qui se déroule au Vème siècle avant Jésus-Christ, c’est ni plus ni moins qu’une liturgie de la Parole, plus exactement une liturgie synagogale. La liturgie synagogale apparait au VIème siècle avant Jésus-Christ lorsque les Hébreux sont déportés à Babylone et ne peuvent plus vivre leur foi avec les sacrifices au temple. La destruction de la liturgie sacrificielle ainsi que la déportation du peuple d’Israël va faire naître un nouveau type de liturgie pour honorer le Shabbat, Jour du Seigneur, le rassemblement à la synagogue, qui correspond pour nous à la liturgie de la Parole de la messe. À l’issue de cette liturgie, les Juifs rentraient chez eux partager le repas du Jour du Seigneur, ce que nous avons conservé à travers le repas dominical.
Je retiens de cette première lecture que dans la tradition judéo-chrétienne, nous croyons que Dieu nous parle à travers l’Écriture et que nous voyons une présence spirituelle de Dieu qui s’adresse à son peuple et à qui son peuple répond.
Maintenant le passage de l’Évangile apporte une donnée supplémentaire à cette réflexion. C’est qu’il y a plusieurs niveaux de lectures de la Parole de Dieu et que cette Parole éternelle s’accomplit en Jésus. Effectivement, la Parole de Dieu ne se lit pas comme on lit un journal. On peut distinguer au minimum 3 niveaux de lecture de la Parole de Dieu. Il y a d’abord une lecture narrative : que dit le texte ? Ici, il n’y a même pas forcément besoin d’être chrétien. Les textes, surtout historiques ou prophétiques, nous donnent des données intéressantes sur la période, le contexte, les faits, les personnes. Mais un chrétien ne peut pas se satisfaire seulement de ce niveau de lecture. Il est important de comprendre ce que l’on lit, mais cela n’est pas suffisant. On peut faire ensuite une lecture de l’Écriture que je vais appeler christologique. Comme nous le révèlera l’épisode de la Transfiguration, les Écritures (la Loi et les Prophètes, Moïse et Élie dans la scène) conduisent toutes à Jésus ; elles mènent à Lui. D’ailleurs, nous chrétiens, lorsque nous lisons l’Ancien Testament, nous faisons spontanément une lecture christologique, voyant des annonces de la Venue du Messie. Il est intéressant, frères et sœurs, de chercher, lorsque nous lisons un texte sacré issu ou bien de l’ancien ou bien du nouveau testament, de chercher ce qu’il nous dit de Jésus. Et puis il y a un autre niveau de lecture, spirituel celui-ci, qui repose sur l’acte de foi qu’à travers ce texte que je lis, Dieu me parle et a quelque chose à me dire. Ici, nous ne sommes plus dans une lecture intellectuelle de la Parole de Dieu, mais dans une lecture avec le cœur. Pensez à ceci lorsque vous priez à partir d’un texte de l’Écriture, ou que vous préparez votre messe en lisant l’Évangile : que dit le texte ? que me dit ce texte de Jésus ? qu’est-ce-que Dieu me dit à travers cette parole ?
L’autre apport de l’Évangile du Jour est que la Parole de Dieu s’actualise en la personne de Jésus. Il faut bien comprendre ceci. La Parole de Dieu est éternelle par nature. À un moment donné, elle s’incarne en Jésus et à bien d’autres moments elle inspire des hommes et des femmes qui ont parlé ou écrit, dans des circonstances précises, historiques, culturelles etc…Lorsque nous, nous lisons cette Parole, nous recueillons une parole inscrite dans un contexte particulier. Qu’est-ce qui fait que cette Parole particulière nous parle dans notre aujourd’hui ? Eh bien, c’est qu’elle s’actualise dans notre présent, par la personne de Jésus. Autrement dit, lorsque nous lisons la Parole de Dieu en communion avec Jésus, cette parole s’actualise pour nous et devient efficace, c’est-à-dire agissante. Jésus, Parole éternelle du Père, est Celui qui actualise pour nous la Parole de Dieu au moment où nous la lisons : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Voilà ce qu’est, pourrions-nous dire, une lecture chrétienne de la Parole de Dieu.
Pour terminer cette méditation sur la Parole de Dieu, je voudrais resituer cette dernière dans la perspective d’unité des disciples de Jésus, puisque nous sommes en ce moment dans la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Notre rapport à l’Écriture peut être source d’unité chez les chrétiens de différentes confessions. L’unité des chrétiens vient ultimement de Dieu Trinité; l’unité est un don de Dieu auquel nous sommes appelés à participer par notre collaboration, mais aucun de nous, par nature, ne peut être LA source de l’unité. L’unité ne peut être réduite à la convergence ou au consensus des opinions, comme elle est trop souvent envisagée dans la société, dans les paroisses et dans la hiérarchie de l’Église, car alors, elle ne serait envisagée que sur un plan humain, et donc demeure marquée par le péché, nos limites, nos pauvretés. Comme je l’ai écrit dans l’éditorial du dernier Bulletin paroissial, « L’unité est une œuvre de conversion. C’est justement ce que nous redit cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens : elle s’achève sur la fête de la Conversion de St Paul. L’unité est une œuvre de conversion qui présuppose une guérison du péché. La source de la division est dans le péché, non dans la différence des opinions ou des sensibilités. Travailler à l’unité nous renvoie donc à notre propre péché et à la manière de le combattre. »
Si la source de l’unité réside en Dieu, nous y participons par notre Communion avec Jésus, qu’elle soit eucharistique, au sein de l’Église catholique, ou qu’elle soit spirituelle, je pense ici aux membres des différentes confessions chrétiennes. Et c’est là, que notre rapport à l’Écriture et à la Parole de Dieu devient fondamental pour construire notre communion avec Jésus, Parole de Dieu. Notre unité découle de notre communion avec Jésus. Avec St Paul qui s’adresse aux Corinthiens dans la deuxième lecture, nous disons que l’unité se construit dans la vérité et appelle et fait place à la légitime diversité des membres du Corps du Christ. Si la diversité devient un problème pour l’unité, c’est que Dieu n’est pas suffisamment présent, c’est qu’elle est empreinte d’un certain orgueil, conscient ou non, qui consiste à faire triompher ou reconnaître son propre point de vue. Soignons notre communion personnelle avec Jésus et notre unité n’en sera que plus forte et féconde. Amen !
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