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29ème Dimanche du temps ordinaire
« Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
Frères et sœurs,
C’est avec cette parole de Jésus que je voudrais commencer cette homélie. Toute la vie de Jésus, ses paroles, ses actes, n’a été qu’une mise en application de cette parole du service total et inconditionnel de Jésus. Jésus s’est mis au service de tous et Il le fait encore pour nous aujourd’hui en demandant à chacun d’entre nous : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Frères et sœurs, entendez cette parole de Jésus à chacun d’entre vous ; Jésus vous demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Alors, en répondant à cette question, nous allons entrer dans la prière ; nous allons répondre à Jésus. Finalement, quand on veut apprendre à prier, une des meilleures portes d’entrée serait bien celle-ci : répondre à cette question de Jésus. Mais nous faisons l’expérience que Jésus ne répond pas systématiquement, automatiquement, et comme nous le voudrions, à la prière que nous faisons. Saint-Augustin a réfléchi à cette question et la développe dans une lettre qu’il écrit à une femme prénommée Proba, lettre que vous pouvez trouver facilement dans les œuvres de Saint-Augustin ou même sur Internet. Il s’agit d’un très bel enseignement sur la prière. St Augustin expose les différentes raisons qui peuvent expliquer ce décalage entre ce que nous formulons dans la prière et les réponses de Dieu. Il peut y avoir tout d’abord des demandes qui ne sont pas justes ou bonnes pour nous. Et comme Dieu est bon, Il ne répond pas pour ne pas nous mettre en difficulté. Saint-Augustin évoque aussi parfois le fait que Dieu fait tarder ses réponses pour faire grandir en nous le désir de recevoir cette réponse et donc la joie d’être comblé. Il explique que plus nous désirons quelque chose, plus nous sommes heureux lorsque nous le recevons. Enfin il expose une troisième raison, que nous retrouvons dans l’Évangile, qui est que nos demandes ont besoin d’être purifiées. Le délai mis à nous répondre, la manière dont Dieu nous répond, nous poussent à nous ajuster à ce qu’Il nous donne et à nous faire sortir d’une relation où Dieu serait simplement un exécuteur de nos moindres désirs. Et c’est ainsi que nous grandissons dans la relation avec Dieu. Dans l’Évangile, les fils de Madame Zébédée demandent à avoir les meilleures places. Demande déplacée au regard du groupe des 12, demande déplacée au regard de la nature du Royaume et de ce qui va attendre Jésus que les fils de Mme Zébédée ne savent pas. Mais ce qui est beau, c’est que Jésus ne les envoie pas promener et accueille leur demande qui est dans le fond bien maladroite et remplie d’orgueil. L’Évangile nous apprend que leur demande va être purifiée par la croix : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » leur demande Jésus. Et Jésus de reprendre : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. » En somme, Jésus va accéder à leur demande mais qui s’accomplira par le mystère de sa Passion, c’est-à-dire par le mystère de la croix. L’Évangile nous apprend que la communion avec Jésus passe d’une manière ou d’une autre part la communion au le mystère de la croix.
Vous voyez, il est ici question de communion. C’est la communion avec Jésus qui obtient la réponse à notre prière. C’est la communion avec Jésus qui fait passer par la croix. Le tout est une question de communion et non pas de souffrance qui nous obtiendrait ce que nous demandons. Il a existé dans l’Église une spiritualité selon laquelle plus nous souffrions, plus nous étions unis à la croix, plus nous étions sanctifiés et ce que nous demandons serait alors marqué de la fécondité de Dieu. Ces réductions sont maladroites dans la formulation. Ce n’est pas la souffrance qui obtient la fécondité mais c’est la communion avec Jésus, qui implique une communion à la croix et à la Résurrection, qui obtient la fécondité divine. Ailleurs dans l’Évangile, Jésus dira bien que le disciple n’est pas supérieur au maître. Par conséquent ce qu’a vécu le maître est le chemin que vivra le disciple. Je vous donne un exemple de ce que je vous dis là : Jésus est mort martyr ; tous les apôtres, exception faite de Saint-Jean, sont tous morts martyrs. Les disciples n’ont pas été au-dessus du maître, même si comme Pierre par exemple, ils ont eu un mouvement de fuite devant la perspective de la crucifixion. La Communion avec Jésus entraîne une communion au mystère de la croix et au mystère de la fécondité de la croix, parce que Jésus a investi cette dernière de l’Amour infini de Dieu. Je ne m’étends pas davantage sur cette question parce que j’en ai parlé récemment dans une homélie. Je voudrais davantage regarder avec vous ce que la suite du Christ implique, notamment dans l’exemplarité que Jésus nous donne : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut parmi vous être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Jésus n’a pas seulement dit en parole le chemin à prendre ; Il l’a montré en le prenant Lui-même ; Il s’est mis au service de tous.
« Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous ce sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
‘Parmi vous il ne doit pas en être ainsi.’ Jésus s’adresse ici à son Église qui est fondée sur les Apôtres ; on peut dire qu’en adressant ces paroles aux Apôtres, Jésus inscrit ici-même un mode de fonctionnement propre à l’Église, qui doit caractériser sa manière de fonctionner. Le mode de fonctionnement de l’Église, appelée à se mettre au service de tous, suit celui de Jésus, Bon Pasteur, dont la façon de gouverner n’est pas celle de la domination, mais le service humble et plein d’amour du lavement des pieds, dont la royauté qui s’exerce sur l’univers n’est pas celle pas d’un triomphe terrestre mais celle qui trouve son point culminant sur le bois de la croix. Ainsi, à la suite du Christ, l’Église exerce une autorité, un gouvernement, qui est avant tout service et non domination. Vous savez peut-être d’ailleurs à ce sujet qu’un des titres du Pape est « Le Serviteur des serviteurs ». Ces dernières décennies, et peut-être même encore aujourd’hui chez certains, l’exercice de l’autorité dans l’Église est vu comme une contrainte ou comme une domination. Il n’est pas rare que la hiérarchie, dans le vocabulaire chrétien, soit synonyme de domination ou de contrainte. Bien sûr, il a existé et il existe des dérives, des supérieurs qui n’écoutent pas, des évêques qui n’écoutent ni leurs prêtres ni leurs fidèles etc… Ces défauts s’est expriment principalement lorsque l’autorité est exercée sans une référence au Transcendant, lorsqu’elle se détache de l’autorité suprême qui est Dieu ; en ce sens elle finit inévitablement par se retourner contre l’homme. Mais ‘hiérarchie’ signifie en premier lieu origine sacrée, principe saint, et non pas domination sacrée qui ne correspond pas au véritable sens de l’Église. C’est-à-dire que l’autorité ne provient pas de l’homme lui-même, mais qu’elle a son origine dans le sacré, dans le lien au Christ qui cherche à faire grandir chacun. L’autorité, justement comprise, la hiérarchie dans l’Église, est un principe qui fait de l’individu un serviteur du Christ et ce n’est qu’en tant que serviteur du Christ que celui-ci peut servir les autres, voire dans la hiérarchie de l’Église gouverner avec le Christ. En fait les apôtres, et derrière les ministres, entrent dans un lien nouveau d’obéissance avec le Christ. Ils Lui sont liés, en communion. Et le Pape lui-même, point de référence de tous les autres pasteurs et de la communion de l’Église, est le gardien de cette obéissance au Christ. La hiérarchie dans l’Église implique donc un triple lien : tout d’abord avec le Christ, puis (pour les pasteurs) un lien avec les autres pasteurs, et enfin un lien avec les fidèles qui sont confiées à celui qui a reçu la mission de gouverner le peuple de Dieu ou une partie du peuple de Dieu. Dans le fond, communion et hiérarchie ne sont absolument pas contraire l’une à l’autre mais se conditionnent. Elles forment une seule réalité qui est une communion hiérarchique qui est la nature profonde de l’Église. Voici comment nous pouvons entendre cette parole de Jésus : « Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. »
Frères et sœurs, ne voulant pas être trop long je termine juste en évoquant une autre possibilité de réflexion à l’écoute de cet Évangile. Il ne vous échappera pas que Jésus évoque les sacrements du baptême et de l’Eucharistie : « Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Il y aurait une réflexion à mener par rapport au sacrement du baptême et de l’Eucharistie, qui nous unissent profondément au Christ, qui nous font communier au mystère de sa Passion et de sa Résurrection et qui font de nous des serviteurs, disciples du Christ. Je ne m’étends pas davantage, mais réfléchissons à la manière dont nous vivons notre baptême : vivons-nous notre baptême dans une attitude de service du Christ, des frères ? Vivons-nous la messe comme ce qui nous fait grandir dans le service de Dieu et des frères ? Jésus nous le demande en tant que membres de l’Église ; les sacrements le réalisent. Amen !
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