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22ème Dimanche du temps ordinaire
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »
Frères et sœurs,
L’Évangile que nous entendons ce dimanche est à la fois très curieux et très humain. Dimanche dernier, Jésus soulignait la justesse de la réponse de Pierre concernant sa Profession de Foi, lorsqu’il Lui répondait : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » et, en retour, Jésus lui confiait l’Église ; et ce dimanche, Jésus rabroue Pierre qui s’oppose, ou tout du moins n’accueille pas, ce que Jésus est en train d’annoncer. Tout ceci est très vrai, très humain, et riche d’instructions.
On peut tout d’abord en tirer que rien n’est jamais ni acquis ni figé dans notre relation à Dieu. Ce que l’on perçoit de Dieu à un moment donné dans notre vie ne peut pas être figé tout au long de notre vie et il faut prendre garde à ne pas vouloir rechercher spirituellement ce que nous avons perçu de Dieu, à un moment donné, au risque de ne chercher qu’à satisfaire un appétit personnel et de ne plus chercher Dieu pour lui-même. Dieu se révèle toujours autre qu’il n’a été.
Le deuxième enseignement que l’on peut tirer de l’expérience de Pierre, c’est que notre relation à Dieu ne cesse de s’approfondir, d’évoluer, de grandir et plus exactement de se purifier par la réalité de la Croix. Humainement, personne de nous ne recherche la souffrance, les épreuves ; c’est contre notre nature. Chacun de nous cherche à être heureux et Dieu nous conduit au Vrai Bonheur. Mais c’est un fait qu’en avançant dans notre relation à Dieu, nous entrons plus profondément dans la réalité de la Croix qui laisse place au don de soi et à la mortification.
Le troisième enseignement que l’on peut tirer est que l’homme a toujours tendance à projeter sur Dieu ses propres idées, visions, conceptions, points de vue. Et généralement ce trait de caractère s’accompagne de la même attitude par rapport à l’Église : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » reproche Jésus à Pierre. Nos visions, nos perceptions de Dieu doivent toujours être purifiées, désabsolutisées. Vous savez, ici se trouve la vraie racine de l’intégrisme. L’intégrisme religieux n’est pas le fait que la messe soit dans telle ou telle langue, ou dans tel ou tel sens, mais il est le fait d’une absolutisation de points de vue personnels sur Dieu, impossibles à bouger. On peut avoir dans l’Église des chrétiens plutôt classiques, charismatiques, sociaux, traditionnalistes qui sont intégristes. Dit autrement, l’intégrisme n’est pas la particularité de gens plutôt de droite, mais vous pouvez avoir des chrétiens de droite, de gauche, centristes qui sont de véritables intégristes. La racine est l’absolutisation de points de vue personnels qui rend impossible l’échange. Or, l’exemple de Pierre nous montre que la relation à Dieu s’approfondit continuellement et qu’il nous faut sans arrêt nous décentrer de nous, de son propre moi, pour rester ouverts en vérité à Dieu. Ce chemin est à continuer tout au long de notre vie jusqu’au moment où nous serons face à Dieu et où, là, nous vivrons en communion avec Lui selon l’ouverture à Lui que nous aurons réalisée tout au long de notre vie.
Ce décentrement essentiel à une relation vraie à Dieu se retrouve dans les paroles de Jésus : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » Cette parole de Jésus nous pose une seule question : dans ma vie, mes activités, mes engagements, est-ce que je cherche Dieu ou est-ce que je me cherche moi-même d’abord ? Le christianisme nous apprend que c’est en cherchant Dieu que l’on se trouve soi-même. « Prendre sa croix », c’est justement accepter de marcher derrière Jésus qui, Lui, l’a déjà portée. C’est accepter que Jésus soit premier et non moi-même. On retrouve le décentrement si essentiel à la vie chrétienne et à la relation à Dieu. « Prendre sa croix », c’est accepter de ne pas maîtriser, mais de se donner, d’offrir sa vie et non de la posséder. L’Évangile nous montre justement comment Satan vient troubler et pervertir la relation à Dieu : en faisant que nous nous mettions en premier, que nous nous recherchions, que nous projetions nos conceptions, nos idées, nos points de vue sur Dieu et les réalités de la vie. Bien sûr, chacun de nous a sa propre liberté pour répondre à Dieu ; chacun construit son propre équilibre entre Dieu et soi-même ; mais attention, Dieu doit toujours être premier.
Frères et sœurs, je me permets d’attirer votre attention sur un point : dans les engagements que vous prenez, ou que vous ne prenez pas, qu’ils soient familiaux, associatifs, professionnels, mais aussi ecclésiaux ou même paroissiaux, demandez-vous si vous entendez bien les appels de Dieu à vous donner. Aujourd’hui il existe une tentation assez répandue et subtile qui consiste à ce que chacun fasse selon son goût, son idée, ses appétits…il faut regarder si cela répond bien à un appel de Dieu…Répondre à un service paroissial, ce n’est pas d’abord faire plaisir au curé ou aux amis, mais c’est répondre à un appel que Dieu vous lance à travers des intermédiaires. De la même manière, un service paroissial n’est pas une monnaie d’échange, de tractation ou un moyen de pression pour manifester un contentement ou un mécontentement. Généralement, dans l’Église, les appels qui sont lancés ne sont pas lancés comme cela au hasard, mais ils répondent aussi à un discernement qui n’est pas la propriété exclusive de celui qui reçoit la demande. De ce fait, j’en profite pour remercier les personnes qui entendent les appels à servir et qui y répondent.
Enfin, Frères et sœurs, la réalité de la Croix, en nous invitant à suivre Jésus, à nous offrir et non à saisir, nous conduit à être à contre-courant. C’est ce que tous les textes de ce jour nous montrent. Le prophète Jérémie répond à l’appel de Dieu et son ministère prophétique sera à contre-courant de ce que ces contemporains attendent : on voudra l’éliminer et le tuer. Jésus, dans l’Évangile, nous invite à porter notre croix ; ce n'est pas le message général que nous délivre le monde. Enfin, St Paul dans la deuxième lecture nous dit : « Ne pas prenez pas modèle sur le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de Lui plaire, ce qui est parfait. » La vie chrétienne est un combat, toujours d’abord intérieur : il s’agit d’affronter le mal, le péché et la mort ; mais c’est aussi parfois un combat extérieur. Ce qui nous donnera la force de tenir ce combat, intérieur comme extérieur, c’est la réalité de la Croix. Sans la Croix, nous n’aurons pas la force de Jésus pour tenir : notre foi ou bien se dissoudra dans le monde ou bien s’affadira. En tout cas, elle ne sera plus ni vivante ni féconde.
Frères et sœurs, en cette période de rentrée et de redémarrage de nos activités, cherchons et mettons d’abord Dieu en premier. Ainsi nous serons sûrs de rester ses disciples et de ne pas nous laisser manipuler par le démon qui vient toujours titiller les disciples de Jésus. Amen !
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