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2ème Dimanche de l’Avent
«Préparez le chemin du Seigneur, rendez droit ses sentiers. »
Frères et sœurs,
Les lectures entendues en ce jour nous appellent à préparer le chemin du Seigneur. Dimanche dernier, notre attention était attirée sur le Seigneur qui se rendait présent ; aujourd’hui, notre attention se porte sur la préparation qu’il nous revient de faire pour donner l’accès au Seigneur. Le salut est une question d’équilibre et de coopération : il repose en tout premier lieu sur le don de Dieu, mais qui appelle notre accueil et notre collaboration. Dieu peut tout, Il nous offre le Salut, mais ne nous sauve pas sans nous ni contre nous. Il nous rend coopérateur de notre salut. C’est ce subtil équilibre que je voudrais regarder de plus près avec vous.
« L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias en Abylène, les grands prêtres étant Hanne et Caïphe, la Parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie. » Cette introduction nous dit que Dieu a l’initiative. On voit la puissance d’incarnation de la Parole de Dieu qui entre dans un monde, dans une société, dans une culture, dans une temporalité. Dieu aussi nous rejoint dans chacune de nos journées, dans nos soucis, dans nos pensées, et rien ne peut l’en empêcher. Voilà une première bonne nouvelle. Il y en a une deuxième…c’est que Dieu nous rejoint où Il veut, et plus précisément, en dehors des lieux officiels. L’Évangile nous montre que Dieu ne nous rejoint pas dans les lieux de pouvoir : ni le pouvoir politique (Ponce Pilate, Hérode), ni le pouvoir religieux (Hanne et Caïphe) ; mais dans le désert ! Là où il n’y a rien, là où il y a de la place pour l’accueillir. En fait, Dieu prend le contre-pied des fonctionnements de notre monde. Il est souverainement libre et indépendant par rapport aux différents pouvoirs qui structurent notre monde. Frères et sœurs, cela veut dire que Dieu nous rejoint dans les lieux où nous sommes libres, disponibles. En ce temps de l’Avent, prêtons attention à tous les évènements qui surgissent dans les lieux insolites de notre vie, sans oublier les songes lors de la nuit. C’est dans ces lieux-là que Dieu nous rejoint prioritairement, lorsque nous ne maitrisons pas. Dans ces lieux de disponibilité, n’oublions pas en particulier la prière. Nos temps de prière doivent être des lieux et des temps de disponibilité à Dieu et à l’accueil de sa Parole. Coopérer à notre salut, c’est accueillir Dieu qui nous rejoint. Soignons également le silence, nécessaire pour que surgisse la Parole de Dieu. Le Verbe de Dieu ne naît pas du bruit, mais du silence. Soignons le silence, en prenant de la distance avec nos téléphones portables, nos écrans. Soignons le silence dans notre liturgie. Laissons Dieu nous rejoindre.
Mais l’accueil de Dieu qui nous rejoint dans notre vie nous amène à coopérer de manière active. L’Évangile nous présente plusieurs axes de coopération à l’œuvre de Dieu : j’en reprends 3.
« Rendez droits ses sentiers. » Vous connaissez tous l’expression « Dieu écrit droit avec des lignes courbes ». Rares sont les personnes dont les voies sont droites. Cela ne correspond pas à notre topographie humaine marquée par le péché, nos limites, nos blessures. Bref, notre nature abîmée, nos inclinations, nos goûts, nous appellent à la conversion. Rendre droites nos routes intérieures, c’est les laisser être éclairées par la Loi divine, par l’Évangile et par l’Esprit-Saint et les orienter vers Dieu. Il y a en nous des routes à ne plus prendre parce qu’elles nous font passer par des endroits dangereux ou alors il y a à créer d’autres chemins pour orienter tout notre être vers Dieu.
« Tout ravin sera comblé. » On peut voir dans les ravins nos lieux de perdition, les lieux où l’on risque de tomber : je pense ici particulièrement à nos lieux de péchés ou de compromission avec le péché. Cette image nous appelle à nous connaître en vérité et à être prudents, notamment, dans les situations où nous savons que nous nous disposons à pécher. Il y a généralement tout un processus qui nous conduit à pécher. Pour lutter efficacement contre le péché, il est important de comprendre comment le processus se met en place. L’Église nous enseigne bien cette prudence, notamment lorsqu’avant de renouveler notre baptême, lors de la Vigile pascale, elle nous pose cette question : « Rejetez-vous ce qui conduit au Mal ? » Je voudrais vous toucher un mot de ce que l’on appelle « les petits péchés », vous savez, ce sont ces péchés qui ne sont pas d’une matière grave en eux-mêmes, mais qui nous sont devenus habituels. Ce sont ces péchés que nous confessons régulièrement et dont nous pouvons finir par nous demander s’il est nécessaire de continuer à les confesser, parce qu’ils sont tellement en nous que nous savons que nous les recommencerons. Eh bien, justement, en raison de leur caractère habituel, il nous faut les confesser pour nous en libérer et faire descendre sur nous la grâce sacramentelle qui, seule, a le pouvoir de nous transformer en profondeur et progressivement de nous en libérer.
« Toute montagne et toute colline seront abaissées. » On peut voir ici les manifestations de notre orgueil qui bloque la vue, le regard des autres. Nous savons que l’orgueil est à l’origine de tous les péchés et en premier lieu du péché originel. Pour combattre l’orgueil, il nous faut pratiquer l’humilité, les actes d’humiliations ; il nous faut apprendre à estimer les autres en vérité et supérieurs à nous-mêmes. Il existe une forme d’orgueil, plus subtile, et donc plus difficilement débusquable, qui réside dans les blessures d’amour propre. Les vexations, ce qui est pris comme des humiliations, les contrariétés, sont des formes de repli sur soi et dans le fond, sont une autre manifestation de l’orgueil. Dans ce cas, le traitement réside dans la pratique de l’amour du prochain, pour lui-même, et non pour ce qu’il m’apporte. Voici quelques éléments pour coopérer de manière concrète et active au Salut que nous offre Jésus.
Pour terminer, je voudrais vous laisser deux lieux où se joue notre salut dans notre vie spirituelle : la prière et le sacrement de la confession. Jean-Baptiste prophétise dans le désert. Le terme hébreu utilisé pour dire le désert est le mot dabar qui signifie à la fois le désert, mais aussi la Parole. L’appel de Dieu se donne à entendre dans le désert nous dit l’Évangile ; cela veut dire aussi que cet appel se donne également à entendre dans la Parole. La prière, qui est le lieu de contact avec la Parole de Dieu est le lieu par excellence où Dieu s’incarne dans notre vie, dans notre temps, pour venir habiter au fond de notre être, en passant à travers tous nos lieux de pouvoirs où nous ne sommes pas forcément disponibles à Lui. Il est important que nous laissions la Parole de Dieu habiter notre cœur et que nous ne la gardions pas seulement dans notre tête. Il est important de comprendre la Parole de Dieu et de l‘aimer avec notre intelligence, mais il est encore plus important qu’elle descende de la tête dans notre cœur pour y vivre et y être aimée.
L’autre lieu où se joue notre salut est le sacrement de la confession. Dans ce sacrement, nous nous mettons en vérité devant Dieu et nous laissons la Vérité éclairer notre cœur. Dieu ne fait jamais mal ; Il éclaire, Il corrige, Il redresse doucement, Il libère, Il sauve, Il ramène la paix, Il restaure l’Amour. Dans notre conversion, à un moment donné, nous avons besoin d’entendre cette parole qui vient d’un autre : « Je te pardonne tous tes péchés ». Personne ne peut se pardonner à soi-même ses péchés ; nous avons besoin d’un autre pour l’entendre et le recevoir.
Frères et sœurs, profitons de ce temps de l’Avent pour recevoir le pardon en allant nous confesser. Dieu nous offre le salut, mais il nous revient d’ouvrir notre cœur. C’est le plus beau cadeau qu’Il nous puisse nous faire : nous sauver et nous rendre participants de notre salut ; et même, pouvoir participer, à notre petite mesure, au salut des autres. Là se trouve toute notre dignité. Amen !
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