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2ème Dimanche de l’Avent
« Une voix proclame : ‘Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu.’ »
Frères et sœurs,
En ce deuxième dimanche de l’Avent, nous retrouvons la figure de Jean-Baptiste le Précurseur, Celui qui a préparé les chemins du Seigneur. Les Évangélistes nous décrivent Jean-Baptiste comme l’homme du désert, celui qui vit de manière frugale, simple et ascétique. Les études les plus récentes sur la personne de Jean-Baptiste laissent à penser qu’il faisait partie de la communauté des Esséniens, une communauté quasi monastique qui vivait dans le désert de Juda et pratiquait de nombreux rites de purification avec l’eau. Ils étaient établis du côté des grottes de Qumran, au-dessus de la mer Morte. Ce n’est donc pas un hasard si nous retrouvons Jean-Baptiste en train de baptiser, d’administrer un rite de purification. Jean-Baptiste est donc l’homme du désert.
Le désert a plusieurs acceptions dans la Bible. C’est le lieu de la mort, de la mort à soi, à son superflu, à son péché, donc le lieu du retour à Dieu. L’exode en est une parfaite illustration. C’est aussi le lieu du combat contre le péché, contre le démon. Souvenons-nous des tentations de Jésus au désert. Comme le désert est le lieu du retour à Dieu, c’est aussi le lieu de la Parole de Dieu ; nous savons en effet que la Parole de Dieu naît toujours du silence. D’ailleurs, je vous l’ai déjà dit, en hébreu le mot Midbar signifie à la fois désert, mais aussi Parole. Le désert devient le lieu de la Parole. Jean-Baptiste se définira lui-même comme la voix qui supporte la Parole qu’est Jésus. Vous comprenez à cet effet pourquoi St Jean-Baptiste est celui qui trône au-dessus de la chaire, dont le chapeau vient d’être remis en place par une équipe de paroissiens accrobatiques : il est celui qui par sa prédication prépare les chemins du Seigneur, appelle à la conversion et il est celui qui est la voix qui porte la Parole de Dieu, explicitée dans ce lieu qu’est la chaire.
On peut encore faire une lecture plus moderne du désert en voyant ce dernier comme le lieu où la vie n’est plus. On peut alors dire de notre monde qu’il devient un désert, un lieu où Dieu n’est plus présent ; ou en tout cas, de manière plus juste, nous pouvons dire que le désert grandit dans notre monde, non pas dans le silence, mais dans une espèce de brouhara incessant où tout le monde dit ce qu’il pense, où l’information envahit nos écrans, nos radios, nos esprits et nos vies, si bien que plus rien ne devient audible, et en tout cas, plus la voix de Dieu, qui a du mal à trouver le silence nécessaire pour naître dans les cœurs et les âmes. Peut-être pourrions-nous profiter de ce temps de l’Avent pour redonner davantage de priorité à l’écoute de la Parole de Dieu en mettant en sourdine toutes les autres voix qui parasitent notre disponibilité à Dieu ? En tout cas, à l’heure où Jean-Baptiste nous invite à réfléchir sur la conversion, demandons-nous quelles voix nous écoutons. La conversion est toujours une réponse à l’initiative de Dieu, jamais un mouvement qui naît de nous comme cela. Et pour répondre, il faut d’abord écouter.
Après l’écoute de Dieu, fondamentale et première, il nous revient d’être actifs dans la conversion : « Préparez le chemin du Seigneur ; rendez droits ses sentiers » nous dit Jean-Baptiste. Pour comprendre un peu plus en profondeur ce que nous dit ici le Baptiste, il faut revenir à la prédication initiale qui est celle du prophète Isaïe, entendue en première lecture : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! Que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large Vallée ! »
Quatre éléments constituent le travail actif de la conversion selon Isaïe. Tout d’abord « Tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. » On a beau dire que Dieu écrit droit avec des lignes courbes, ce qui rend hommage à sa toute-puissance, il n’en demeure pas moins que nous sommes appelés à rendre droits nos sentiers, c’est-à-dire, à orienter nos chemins selon l’Évangile et l’enseignement de l’Église ; en clair : vivre selon les commandements de Dieu, l’enseignement de Jésus et la recherche de l’amour et du bien des autres.
Nous avons ensuite : « Que tout ravin soit comblé. » Le péché s’enracine principalement et dans nos lieux de fragilité, ici les ravins, les lieux où notre nature est plus vulnérable, et dans nos lieux d’orgueil, les montagnes et les collines évoqués ensuite. Combler les ravins, c’est prendre en compte nos fragilités, les lieux où nous risquons plus facilement de tomber, d’abord en les évitant, ensuite en les comblant. Les moines celtes avaient l’habitude pour travailler à la conversion de développer les vertus qui contrecarraient les fragilités ; par exemple pratiquer le jeûne pour celui qui est gourmand, le silence pour le bavard, la charité pour l’égoïste.
« Que toute montagne et toute colline soient abaissées. » Le meilleur moyen de combattre l’orgueil est la pratique de l’humilité, qui passe par la mortification et par l’humilité et la discrétion ; par le fait de chercher à estimer en vérité les autres supérieurs à soi-même, non pas dans une attitude de fausse condescendance, mais de véritable estime.
Enfin, il reste « que les escarpements se changent en plaine et les sommets en large vallée. » Il existe des obstacles que la conversion consiste à faire sauter ; cela peut être le péché, mais aussi des dépendances, des addictions, des relations, parfois des activités. Le refus de conformer sa vie sur tel ou tel point à l’enseignement de l’Église, ou dit autrement, l’attachement excessif à certains biens, conduit à faire de nos routes des routes tortueuses et compliquées. La conversion est toujours un appel au détachement et à la simplicité.
Ce travail de conversion, qui est en quelque sorte une collaboration de notre part à l’œuvre de Dieu en nous, nous est rendu possible par le sacrement du baptême qui nous donne cette force de transformation qui prend l’expression d’une vie nouvelle. Nous touchons certainement ici une des différences essentielles entre le baptême de Jean et celui de Jésus, entre le baptême d’eau et le baptême dans l’Esprit-Saint. Le premier marque notre volonté de nous convertir ; le deuxième produit la conversion. Le premier est figuratif ; le deuxième effectif. La différence entre le rite figuratif et le rite sacramentel réside dans le fait que le baptême de Jésus permet une vie nouvelle, à l’image de la Résurrection de laquelle il découle. St Pierre évoque cette réalité dans la deuxième lecture : « Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. » Frères et sœurs, voici une réalité à bien garder en tête en ce moment où nous réfléchissons sur la conversion, où nous sommes invités à aller nous confesser avant la fête de Noël. Si le sacrement de la confession consiste à reconnaître ses péchés, à s’en libérer pour recevoir le pardon de Dieu, la confession produit et permet également une vie nouvelle en faisant de nous des êtres renouvelés, capables de vivre et d’écrire une réalité nouvelle. Dieu n’enferme jamais une personne dans son histoire, son péché. Toujours, Il libère et permet à la nouveauté de jaillir et de se développer. En ce temps de l’Avent, le Seigneur veut nous renouveler ; ne passons pas à côté de ce don. Amen !
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