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2ème Dimanche de Carême
« Et il fut transfiguré devant eux. »
Frères et Sœurs,
L’épisode de la Transfiguration du Seigneur qui nous est rapporté dans l’Évangile que nous venons d’entendre nous fait entrer dans la prière de Jésus, dans laquelle Pierre, Jacques et Jean vont avoir le privilège et la grâce de voir des réalités, d’ordinaire invisibles à l’œil nu. Cet épisode de prière nous fait entrer dans le cœur de l’identité de Jésus.
Il s'agit donc en premier lieu d'une expérience spirituelle. Saint Marc nous le signifie à travers les réactions des apôtres Pierre, Jacques et Jean. Ces trois-là se trouvent confrontés à des réactions paradoxales et opposées. D’une part ils sont saisis de crainte, et d’autre part, Pierre dira à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici. » La crainte, la joie, voici des sentiments qui traduisent nos réactions profondes devant la présence et la sainteté de Dieu.
Dans cet épisode de prière, Jésus confie à Pierre, à Jacques, et à Jean des révélations secrètes, des grâces. Cela nous redit, Frères et Sœurs, que dans la prière, il ne s’agit pas seulement de nous présenter devant Dieu, de Lui ouvrir notre cœur, de Lui dire ce que nous avons à Lui dire, mais il s’agit aussi d’accueillir les secrets et les trésors que Dieu veut révéler à chacun de nous. L’image de la montagne évoquée au début du passage d’Évangile est très riche et confirme la dimension spirituelle de la Transfiguration. La montagne est à la fois le lieu de la proximité avec Dieu, le lieu de la révélation de Dieu et elle annonce en même temps le lieu de la Passion. Nous pouvons trouver au moins trois montagnes différentes évoquées en arrière-plan dans le passage d’Évangile. Il y a tout d’abord le mot Moriah, que nous trouvons dans la première lecture, lieu du sacrifice d’Isaac. Le fait que la liturgie fasse consonner ces deux montagnes donne à la montagne de la Transfiguration une orientation sacrificielle. Le sacrifice d’Isaac prépare celui de Jésus et la bénédiction que donne Dieu à Abraham pour avoir été jusqu’au bout du sacrifice est l’annonce des grâces qui découleront du sacrifice de Jésus. Nous trouvons également avec la figure de Moïse le mont Sinaï, mont où la loi a été donnée à Moïse. Là aussi, Révélation de Dieu comme Celui qui est l'origine de la Loi et qui oriente notre vie selon le bien. Avec la figure d’Élie, nous trouvons enfin le mot Horeb, lieu de la rencontre entre Élie et Dieu, où Dieu, pourrait-on dire, a caressé, à travers une brise légère, le visage d’Élie. Avec l’épisode de la Transfiguration, nous sommes donc bien au cœur de l’intimité de la Révélation entre Dieu et les hommes.
Enfin, cette expérience spirituelle se termine par une invitation du Père à écouter son Fils : « celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Nous retrouvons la même invitation que lors du baptême de Jésus. Cet épisode nous redit que la prière est d’abord le lieu de l’écoute de Jésus qui nous parle, et que c’est grâce à cette écoute que nous pourrons avancer vers Dieu pour Le voir à un moment donné face à face. La prière nous prépare à voir Dieu. L’écoute prépare la vision de Dieu.
Cette expérience spirituelle de la Transfiguration confirme en même temps la divinité de Jésus et prépare les apôtres à l’évènement le plus important de la vie de Jésus : sa Passion et sa Résurrection.
L’allusion de Pierre à dresser trois tentes nous laisse supposer que l’épisode de la Transfiguration se déroule lors de la fête juive des Tentes, la fête de Soukkôt. La fête des Tentes rappelle les cabanes que les Hébreux construisaient dans le désert pour se protéger. Ces cabanes étaient le signe de la protection de Dieu en même temps qu’elles étaient la préfiguration des demeures dans lesquelles les Hébreux habiteront au Ciel avec Dieu. La manifestation de la gloire de Jésus dans cet épisode nous montre que les temps messianiques sont arrivés et que la véritable Tente dans laquelle Dieu habite est Jésus lui-même. Les rites préfigurés par la fête des Tentes sont désormais accomplis en Jésus, Fils de Dieu. Les temps messianiques sont donc arrivés. Du reste, cette lecture est confirmée par la parole du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. », comme elle est confirmée par la présence de la nuée qui symbolise la présence de Dieu. La nuée renvoie à deux évènements : en premier lieu la nuée qui marchait au-dessus du peuple Hébreu pendant la traversée du désert, signe de la présence de Dieu qui accompagnait son peuple vers la libération. En deuxième lieu, elle renvoie au Baptême de Jésus où la divinité s’est manifestée à travers la voix qui vient du ciel et la colombe qui descend sur Jésus.
En somme, cet épisode confirme à Pierre, Jacques et Jean la divinité de Jésus, en même temps qu’il les prépare à vivre dans la foi et la confiance en Dieu la Passion qui va désormais arriver. La préparation que Jésus fait à ses trois disciples ne se limite pas qu’à l’épisode de la Passion, mais elle est orientée vers la Résurrection que Jésus annonce à la fin de sa Transfiguration.
Frères et sœurs, qu’en tirer pour nous-mêmes dans notre prière ? Eh bien que, lorsque nous prions, le Seigneur sait aussi nous fortifier et nous préparer à ce qui arrivera dans notre vie, que nous ne savons même pas encore. La prière est le moyen par lequel Dieu, de son éternité, agit dans notre temps. La prière nous permet de relire et de comprendre le passé, notre histoire, ce que nous avons vécu; mais elle nous permet aussi de préparer l’avenir même si nous ne le connaissons pas ou ne le maîtrisons pas.
Je voudrais terminer cette méditation en redisant, qu’à la suite de Jésus Transfiguré, nous sommes nous-aussi appelés à être transfigurés. Dit autrement, notre humanité et notre vie humaine sont appelées à être transfigurées par Jésus lui-même. Tout d’abord, en tant que baptisés, nous sommes habités par Dieu. Cette habitation a la capacité de transformer notre vie. Le passage d’Évangile d’aujourd’hui nous redit aussi que pour vivre avec Dieu, il faut vivre en compagnie de Moïse et d’Elie, c’est-à-dire vivre selon la Loi donnée par Dieu (les commandements de Dieu et de l’Église), et vivre en présence des prophètes, c’est-à-dire de l’Écriture. Un chrétien qui construit sa vie sur le respect de la Loi de Dieu et l’Écriture vit en présence de Dieu, et sa vie chrétienne sera transfigurée. Enfin, nous sommes appelés à être transfigurés parce que nous recevons en nous-mêmes le principe de Transfiguration par la communion eucharistique. Dans l’hostie consacré que nous recevons a déjà lieu une transformation, celle qui consiste à passer du pain au Corps du Christ. Lorsque nous recevons le Corps de Jésus, nous recevons également au plus profond de notre être cette puissance de transformation qui transforme et transfigure notre vie, notre cœur profond, notre être. L’adoration eucharistique permet également de transfigurer notre vie.
Frères et sœurs, par le baptême, par la prière, par la communion eucharistique et l’adoration eucharistique, nous vivons déjà ce principe de Transfiguration avant qu’il ne soit définitif lorsque nous serons face à Dieu. Profitons de ce temps de carême pour faire sauter toutes les résistances que nous avons à cette transformation profonde. C’est le péché qui vient bloquer ce processus de transformation et de conversion. Demandons au Seigneur qu’Il nous affermisse dans notre combat contre le péché ; demandons-Lui la grâce de recevoir son pardon dans le sacrement de la confession pour que nos vies soient davantage transfigurées pour sa gloire et pour être les témoins évangélisateurs dont notre monde a besoin. Amen !
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