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17ème Dimanche après la Pentecôte
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. »
Frères et sœurs,
On interroge Jésus sur la Loi et Il répond sur l’Amour. Tout est dit. C’est en Jésus que l’on passe de la Loi à l’Amour ou plutôt que l’on passe à la Loi de l’Amour. Et sur la question de l’Amour, Jésus répond en deux temps : l’Amour de Dieu et l’Amour du prochain. S’Il les met en équivalence, Il place d’abord l’Amour de Dieu en premier : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. »
En mettant d’abord en premier l’amour de Dieu, Jésus nous révèle que la source de tout amour est en Dieu. « Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu et connaissent Dieu » nous dit St Jean l’Apôtre de l’Amour. Benoît XVI rappelait dans son encyclique Deus caritas est qu’aimer est une participation à l’être de Dieu. Jésus nous redit que l’amour de soi, l’amour du prochain, découlent de l’Amour de Dieu et est une participation à l’amour de Dieu. Bien plus, en les plaçant dans cet ordre, Jésus nous redit aussi que c’est Dieu qui nous apprend à nous aimer personnellement et à aimer les autres. Il est à la fois la source et le principe efficace de l’amour.
Mais Jésus nous révèle également les différentes dimensions de l’amour. Trop souvent, nous réduisons l’amour à sa seule dimension affective ou sentimentale. Dans cette version de l’Évangile, l’Amour a une triple dimension : il est affectif « de tout ton cœur » ; il est spirituel « de toute ton âme » ; il est intellectuel « de tout ton esprit ». St Luc ajoute dans son Évangile : « de toutes tes forces », ajoutant ainsi une dimension physique. Alors demandons-nous comment nous honorons l’amour de Dieu dans toutes ses dimensions. Comment aimons-nous Dieu avec nos sentiments, avec notre affectivité ? Quand on aime quelqu’un, on aime être avec cette personne, même sans rien dire ni rien faire. Est-ce que nous sommes capables d’être gratuitement, simplement devant Dieu, avec Dieu, sans avoir quelque chose à Lui dire, à Lui demander ? L’Adoration du St Sacrement est à ce titre une bonne école d’amour. Est-ce que nous aimons Dieu avec notre âme ? c’est-à-dire, en soignant notre vie surnaturelle ? à travers la prière, les sacrements, la communion, la confession ? Est-ce que nous aimons Dieu avec notre intelligence ? comment nourrissons-nous notre relation à Dieu ? à travers nos lectures, notre travail, nos réflexions ? Si nous suivons St Luc, nous pouvons nous interroger également sur la dimension physique de notre amour de Dieu : quelles énergies, quelles forces déployons-nous pour Dieu ? Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, c’est aimer Dieu avec la totalité de ses puissances.
Venons-en maintenant à l’amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il y a ici un équilibre subtil à trouver entre l’amour que nous nous portons à nous-même et l’amour que nous portons aux autres. Aimer l’autre comme soi-même implique de s’aimer soi-même de manière juste et de mettre au même niveau l’amour que nous portons à l’autre. Nous voyons bien tout de suite les déséquilibres que cet équilibre entraine : ou bien nous nous aimons plus que les autres, et nous tombons dans une sorte d’égocentrisme et d’orgueil ; ou bien nous aimons les autres plus que nous et dans ce cas, cela révèle que nous ne nous aimons pas comme il faut, en tout cas, que nous nous aimons mal.
L’ennemi de l’amour du prochain est l’amour propre, l’amour de soi. C’est le premier lieu à purifier en soi pour pouvoir aimer en vérité. L’amour propre se cache derrière la susceptibilité, la recherche de reconnaissance, d’approbation. Le Seigneur révèle à Ste Catherine de Sienne que « l’amour propre (parce qu’il procède de l’orgueil) contient en lui-même tout le mal. » Comment combattre l’amour propre ? par la pratique de l’humilité, par la mortification de son orgueil, de la toute-puissance de son « moi-je ».
Au sujet de l’amour du prochain et de l’équilibre, délicat, à construire avec l’amour de soi, je voudrais aborder ici une situation à laquelle nous pouvons être confrontés les uns les autres, que cela soit une relation d’amour conjugal, entre époux, ou dans une relation d’amitié. Il arrive que des personnes ont l’impression d’être moins aimées de l’autre qu’elle-même ne l’aime. Je voudrais vous donner ici l’enseignement du Seigneur à Ste Catherine de Sienne qui répond à cette question en puisant dans l’amour de Dieu, source de tout amour, comme je le disais plus haut. Voici ce que dit le Seigneur à Ste Catherine de Sienne : « Sais-tu à quoi l’on reconnait que celui qui aime d’un amour spirituel n’est point parfait ? À ce qu’il s’afflige quand il croit que la créature aimée ne répond pas à son amour avec la même force avec laquelle il croit l’aimer. À ce qu’il s’afflige quand il se voit délaissé, quand il est privé du plaisir que ma présence lui procurait, ou quand il voit que cette créature en aime une autre plus que lui. C’est à cela et à beaucoup d’autres signes encore, que l’on pourra s’apercevoir que cet amour pour moi et pour le prochain est encore imparfait. (…) Cet amour, c’est bien en moi qu’il l’a puisé, mais comme il se comportait encore imparfaitement envers moi, voilà qu’il se comporte imparfaitement envers celui qu’il aime d’un amour spirituel. Tout cela n’arrive que parce que la racine de l’amour propre spirituel n’a pas été bien extirpé. » LXIV Dialogues L’enseignement est clair : la guérison de ces blessures d’amour réside dans la purification de l’amour propre et dans un amour plus pur et plus parfait de Dieu.
Ce double commandement de l’amour de Dieu et du prochain nous amène à vivre le plus parfaitement possible ces deux dimensions dans notre vie de tous les jours, et à la suite de St Paul dans l’épître, à soigner nos relations communautaires. Non seulement notre manière de vivre en communauté chrétienne ne doit pas constituer un contre-témoignage par rapport à ce que nous professons ou ce que nous croyons, mais encore, notre manière de vivre, de nous comporter les uns envers les autres doit pouvoir être un signe de l’existence de Dieu. On doit pouvoir croire en Dieu en nous voyant vivre et nous comporter les uns envers les autres. Alors, concrètement, qu’est-ce que cela implique ? Comme le dit St Paul, de nous supporter les uns les autres avec patience et charité. L’Amour comporte en lui-même une dimension de sacrifice. Quand j’aime, je suis capable de prendre sur moi ; l’abnégation est un signe et une preuve d’amour. Cela implique également de chercher l’unité. Mais attention, ne pensons pas l’unité sur un modèle humain. L’unité ce n’est pas le fait d’être d’accord par ce que nous pensons les mêmes choses ; l’unité elle vient de Dieu, elle est à accueillir de Dieu, et elle permet la communion des différences. St Paul le dit : « Il y a un seul Dieu et Père de tous, qui est au-dessus de tous, qui agit pour tous et demeure en nous tous. » Il ne peut y avoir d’unité vraie, solide, durable, en dehors de Dieu qui en est la source et le principe. Si dans une communauté chrétienne, j’ai du mal à aimer telle ou telle personne, alors il me faut grandir dans la communion personnelle avec Dieu qui me permettra d’aimer l’autre plus en profondeur et plus en vérité, avec davantage les sentiments de Dieu.
Frères et sœurs, plus que jamais aujourd’hui dans notre société déchristianisée, sécularisée, laïcisée au mauvais sens du terme, soignons l’Amour de Dieu, l’Amour du prochain, notre manière de vivre les uns envers les autres pour être les signes vivants de la présence de Dieu. Amen !
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