+ Solennité du Saint Jour de Pâques
« Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Chers Frères et Sœurs,
Je suppose qu’il vous est déjà arrivé d’essayer de rendre compte de votre foi en la Résurrection, d’essayer de l’expliquer, aussi bien à des enfants, en famille ou alors à des amis ou connaissances qui ne partagent pas forcément notre foi mais qui se laissent interroger. Eh bien, vous avez dû faire l’expérience qu’il n’est pas très facile de parler de la Résurrection ou de la définir. Et pourtant, c’est le point fondamental de notre foi chrétienne qui nous définit précisément comme chrétien.
Que peut-on en dire ? je crois que la première chose que l’on peut poser est que la Résurrection est une réalité accessible à la foi. On croit à la Résurrection de Jésus. La Résurrection ne se démontre pas, comme une vérité mathématique ou scientifique. La disparition du corps de Jésus permet une approche scientifique de la Résurrection, qui tomberait si l’on avait retrouvé son corps, mais elle ne permet pas la démonstration de la Résurrection. Cela veut dire que la disparition du corps de Jésus laisse la place à la foi et permet à cette dernière d’exister, ce qui n’aurait pas été possible si la Résurrection se démontrait. À partir de là, on peut dire, pour ceux qui ont la foi, que la Résurrection est un évènement historique : c’est un évènement qui s’est passé dans l’histoire et dont nous gardons des traces dans les témoignages des Apôtres, des disciples, et dans le dynamisme de croissance de l’Église qui ne peut pas s’expliquer que sur un plan humain.
De manière plus théologique et spirituelle, et à la lumière de l’Évangile entendu à l’instant, on peut approcher le mystère de la Résurrection comme la victoire de l’Amour sur la mort. L’Amour de Dieu est tellement fort et puissant qu’il n’a pu rester enfermé ni dans la mort ni dans un tombeau. Le Christ, qui est le chemin, la vérité et la vie, pouvait-il s’arrêter en route ? Pouvait-il rester prisonnier d’un tombeau ? La vie a franchi les portes de la mort, mais la mort ne l’a pas retenue prisonnière. Au cœur d’un tombeau, la vie a reposé. Au cœur du tombeau, la vie s’est libérée. La vérité et l’Amour ne meurent jamais. Il y a un lien profond entre la Résurrection et l’Amour parce que précisément la Résurrection est une manifestation de l’Amour de Dieu. Et c’est certainement une des raisons pour laquelle St Jean croit immédiatement à la Résurrection, outre le fait qu’il n’a pas fui pendant la Passion et qu’il est resté fidèle tout le temps ; c’est que St Jean est le disciple de l’Amour, celui dont le cœur est le plus pur, celui a posé sa tête sur le cœur de Jésus, celui qui, parce que le plus jeune, a le moins de péchés. Le disciple de l’Amour, « le disciple que Jésus aimait » comme le dit l’Écriture, est celui qui croit immédiatement à la Résurrection. L’Amour qu’il a et qu’il porte le fait accéder immédiatement à la Résurrection qui est un acte d’Amour.
Voici quelques éléments pour essayer non pas de définir la Résurrection mais tout au moins pour essayer de la comprendre ou de l’approcher. Je voudrais maintenant vous en montrer deux effets intérieurs. Tout d’abord, la Résurrection transforme les cœurs et les personnes intérieurement. Les femmes arrivent au tombeau craintives, préoccupées -qui leur roulera la pierre du tombeau pour qu’elle puissent prodiguer les soins au corps de Jésus ? - et elles repartent avec un secret et une mission ; le secret : Jésus est ressuscité ; la mission : elles ont mission de l’annoncer. Alertés par Marie-Madeleine, Pierre et Jean se rendent au tombeau, qui devient en quelque sorte le point central du pèlerinage, et on les retrouve plus tard en train d’annoncer la Résurrection de Jésus aux peuples présents à Jérusalem. La première lecture se faisait l’échos de cette prédication par la bouche de Pierre. La transformation intérieure des disciples se vérifie également dans le dynamisme de leur vie : ils se rendent au tombeau, lieu de la mort, et la Résurrection de Jésus les pousse vers l’extérieur pour qu’ils annoncent aux vivants la Bonne Nouvelle. Leur cœur intérieur, l’orientation de leur vie, tout est transformé, renouvelé. Le dynamisme missionnaire de l’Église, la force d’évangélisation, nait de la Résurrection de Jésus qui pousse les uns et les autres à annoncer et à témoigner de ce qu’ils ont vécu.
Frères et sœurs, aujourd’hui les chrétiens, les catholiques sont devenus minoritaires dans notre pays et notre société. Devenue minoritaire, l’Église, de manière assez naturelle, reprend une dynamique missionnaire, d’évangélisation, visible dans les jeunes générations. Cette jeune génération, même si elle est moins nombreuse numériquement parlant que les générations qui l’ont précédée, est plus exigeante dans la vie spirituelle, liturgique, dans les implications de l’Évangile ou de la vie en société que les précédentes. Ce que cette génération redit à l’Église, c’est que l’élan missionnaire qu’elle vit s’enracine dans la foi en la Résurrection de Jésus, dans la prière, dans les sacrements et l’Adoration. Peut-être si dans tel ou tel domaine, tel ou tel endroit, l’Église peine à évangéliser, peut-être devrait-elle s’interroger sur le degré de foi de ses fidèles ou de ses prêtres en la Résurrection de Jésus…Si les chrétiens ne vivent pas de la Résurrection, ils ne pourront pas être missionnaires. Le dynamisme missionnaire s’enracine dans la foi qui tire sa force et sa consistance de la Résurrection. Si l’Église fonctionne comme une ONG ou comme une prestataire de services, elle n’évangélisera pas.
Il y a un deuxième effet intérieur de la Résurrection, c’est qu’elle donne une vie nouvelle. Elle la donne de deux manières. Premièrement sous la forme du sacrement. Le sacrement du baptême, même s’il a été institué par Jésus plus tôt, prend toute son ampleur et son efficacité à partir du mystère pascal de Jésus, à partir de sa Passion et de sa Résurrection. Le baptême donne ni plus ni moins la vie du Ressuscité, cette vie qui se déploiera et s’épanouira au-delà de la mort, que l’on appelle également la vie éternelle. En reprenant ce que j’ai dit plus haut, le baptême nous transforme intérieurement, il nous renouvelle entièrement dans notre vie et dans notre être ; il nous dispose et nous oriente à être des êtres missionnaires et évangélisateurs. Partout où nous sommes confrontés aux oppositions et aux forces de mort, le baptême nous donne la force, par la Vie du Ressuscité, de dépasser et de transformer ces obstacles et ces lieux de mort en passage pour l’amour et pour la vie. La deuxième manière par laquelle la Résurrection nous donne une vie nouvelle est le renouveau de notre vie quotidienne et de nos relations quotidiennes. Dans la séquence du Victimae paschali Laudes que nous avons chantée, nous avons entendu cette annonce des anges : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! Il vous précédera en Galilée. »
Le Seigneur a fixé le rendez-vous : la Galilée. Qu’est-ce que la Galilée ? c’est le lieu des échanges tranquilles et simples, le lieu des colloques solitaires, le temps du cœur à cœur avec Jésus. Notre Galilée, c’est aussi ce quotidien que nous fuyons si facilement. Notre Galilée, c’est notre vie de famille, de communauté, notre école, notre travail, notre maison. Tous ces lieux et tous ces temps que nous avons la mission de transfigurer par la bonne nouvelle de la Résurrection du Seigneur. Dans ce renouveau issu de la Résurrection de Jésus, Jésus nous précède déjà et Il attend chacun de nous. Avec la Résurrection, tout peut être renouvelé.
Frères et sœurs, la Résurrection de Jésus, Bonne Nouvelle par excellence, n’est pas que la promesse d’une vie éternelle après la mort ; elle est aussi la grâce d’un renouveau profond dans notre vie de tous les jours, renouveau permis par l’Amour tout-puissant de Dieu affranchi de toutes les limites spatio-temporelles de notre humanité. Belles et saintes Fêtes de Pâques à vous ! Amen, Alleluia !
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