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Solennité du Christ Roi
« Ma royauté n’est pas de ce monde. »
Frères et sœurs,
L’échange que nous entendons entre Pilate et Jésus nous montre une confrontation entre deux pouvoirs : un politique et judiciaire, et l’autre divin ; un terrestre et l’autre céleste. Si Jésus, par sa double nature de Fils de Dieu et de Fils de l’homme, se trouve à la jonction de ces deux pouvoirs, Il a toujours écarté pour lui-même la royauté politique telle qu’elle était attendue par bon nombre de ses contemporains, pour révéler la véritable royauté dont Il est revêtu, d’origine divine.
Cet échange entre Pilate et Jésus nous interroge sur la nature de la royauté du Christ. Comment la caractériser ? comment la définir ? On peut essayer de la dessiner en prenant quelques éléments, mais nous ne pourrons jamais en faire une définition précise et exhaustive…ce qui nous est d’ailleurs signifié par le genre des paraboles que Jésus utilise pour parler du Royaume des Cieux. Il nous fait comprendre cette réalité sans la définir précisément. Alors, que peut-on en dire ?
Je vous propose de partir de la collecte de la messe et de ce que chante la Préface du Christ Roi. La collecte disait : « Dans ta bonté, fais que, libérée de la servitude, toute la création serve ta gloire et chante sans fin ta louange. » Cette prière nous dit que la royauté du Christ est une royauté libérée du péché. Elle n’est donc pas réductible à notre monde. Si elle n’est plus marquée par le péché, l’Amour de Dieu peut s’y déployer sans aucune entrave ni limite. La préface, quant à elle, développe plus la nature de cette royauté :
« Tu as consacré d’une onction d’allégresse ton fils unique, Jésus-Christ, notre Seigneur, comme prêtre éternel et roi de l’univers. Pour accomplir les mystères de notre rédemption, il s’est offert lui-même sur l’autel de la croix en victime pure et pacifique. Quand toutes les créatures auront été soumises à son pouvoir, il remettra aux mains de ta souveraine puissance le règne éternel et universel : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » On retrouve ici l’idée selon laquelle la royauté du Christ n’est pas de notre temporalité, au sens où elle n’a ni limite ni fin. Cette royauté se caractérise par l’offrande personnelle de Jésus qui se donne, par le fait que Dieu règne totalement en tous ; donc Dieu règne totalement en chacune de ses créatures. Enfin, la Préface nous dit que ce sera un règne de justice, d’amour et de paix. On retrouve ce que suggérait la collecte de la messe.
Les Évangiles, quant à eux, sans reprendre chacune des paraboles, nous montrent que le premier à entrer dans le Royaume de Dieu sera le bon larron à qui Jésus fait cette promesse : « Amen, je te le dis ; ce soir, avec moi, tu seras dans le paradis. » La royauté du Christ est ouverte à tous, tant aux cœurs purs et aux artisans de paix, qu’aux pécheurs repentis. Elle s’illustre dans la miséricorde. Voici donc quelques éléments qui caractérisent la nature de la royauté du Christ.
L’échange entre Jésus et Pilate nous interroge également sur l’ordre temporel et sur l’ordre spirituel, 2 ordres bien distincts, que Jésus distingue clairement, notamment à travers ces paroles bien connues, à l’origine de notre principe de laïcité : « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. » Dans la suite du dialogue entre Jésus et Pilate, que nous n’avons pas dans l’Évangile du jour, Jésus répondra à Pilate que ce dernier n’aurait aucun pouvoir sur Lui, si celui-ci ne l’avait pas d’abord reçu d’en-haut. Jésus subordonne donc bien le pouvoir temporel au pouvoir spirituel, tout en distinguant bien les deux ordres. Cette distinction permet à la royauté du Christ de s’exercer et de se déployer dans toutes sortes de régimes politiques, aussi bien dans les démocraties, que dans les monarchies, et même dans les régimes totalitaires ou encore sous les persécutions. On observe la même réalité dans l’Ancien Testament : Dieu n’a jamais cessé de conduire son peuple à travers différents types de gouvernement : les Patriarches, les Juges, les Rois…Cette souplesse fondamentale permet en fait la catholicité de l’Église qui a pour mission d’annoncer le Royaume de Dieu en même temps qu’elle garantit son universalité.
La tentation a toujours existé de vouloir établir la royauté du Christ dans des régimes temporels ; mais c’est méconnaître la nature de la royauté du Christ qui, par essence, ne peut être temporelle. Par contre, à défaut d’être totalement temporelle, la royauté du Christ doit s’exercer et se déployer dans notre monde temporel, à travers les baptisés qui ont pour mission d’ordonner notre monde temporel à sa finalité spirituelle. Cet ordonnancement de nos réalités temporelles aux réalités spirituelles commence d’abord par le règne du Christ dans nos cœurs avant de se développer dans des structures chrétiennes qui oeuvrent au Bien. On voit combien, dans une société, des structures chrétiennes, d’enseignement, de soin, de charité, de justice, concourent au bien de tous parce qu’elles promeuvent, dans une perspective de bien commun, l’amour, la charité, la miséricorde.
L’ordonnancement des réalités temporelles aux réalités spirituelles ne peut avoir lieu que par l’Église et ses enfants, que sont les fidèles baptisés. Le baptême en effet nous fait entrer dans la royauté du Christ en même temps qu’il nous donne la mission de participer à la construction de la royauté du Christ. Vous savez que c’est l’onction conférée au Roi David qui va être à l’origine de l’ambigüité relative à la royauté du Messie, ambigüité que Jésus supportera tout au long de sa vie, de sa naissance avec les Mages qui cherchent « le Roi des Juifs qui vient de naître » jusqu’à sa mort sur la croix où seront inscrites les lettres INRI. David avait été choisi Roi et cette consécration lui avait été conférée par l’onction donnée par le Prophète Samuel. Il est donc Roi et Oint, c’est-à-dire, Messie en hébreu. Désormais, l’attente du Messie par Israël, sera marquée par la mission de Roi, au sens d’une royauté politique.
Nous-mêmes, lorsque nous avons été baptisés, nous avons aussi reçu l’onction avec le Saint-Chrême, qui nous fait participer à la dignité du Christ, prêtre, prophète et Roi. Voilà d’où vient pour chaque baptisé la mission royale. Le Saint pape Jean-Paul II donnait dans l’Exhortation post-synodale Christifideles Laïci (30 décembre 1988) une synthèse de l’enseignement du Concile Vatican II sur la mission royale de l’Église et des fidèles baptisés. Je le cite : « Par leur appartenance au Christ, Seigneur et Roi de l’univers, les fidèles laïcs participent à son office royal, et sont appelés, par Lui, au service du Royaume de Dieu et à sa diffusion dans l’histoire. Ils vivent la royauté chrétienne tout d’abord par le combat spirituel qu’ils mènent pour détruire en eux le règne du péché, et ensuite par le don d’eux-mêmes pour servir dans la charité et dans la justice Jésus-Christ même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits. Mais les fidèles laïcs sont appelés en particulier à redonner à la création toute sa valeur originelle. En liant la création au bien véritable de l’homme, par une activité soutenue par la vie de la grâce, ils participent à l’exercice du pouvoir par lequel Jésus ressuscité attire à Lui toute chose et les soumet, en même temps qu’Il se soumet lui-même, au Père, de sorte que Dieu soit tout en tous. » CL 14.
Frères et sœurs, nous retrouvons ici les principales caractéristiques de la royauté du Christ, évoquée au début de cette homélie : tout d’abord, la lutte contre le péché en chacun de nous, puis, à la suite de Jésus qui s’offre, l’appel à se donner soi-même, puis l’engagement dans notre monde pour servir nos frères et sœurs et ordonner la création au Bien de l’homme, tel que Dieu l’a demandé au Livre de la Genèse.
En ce dimanche, nous sommes heureux d’accueillir et de relayer les appels de nos amis de Foi et Lumière, qui aident à mettre en œuvre les principes évangéliques enseignés par Jésus et concourent ainsi à l’élaboration de la royauté du Christ dans notre monde. Nous appelons sur chacun des fidèles engagés, comme sur toutes les personnes accueillies et accompagnées, la Bénédiction de Dieu. Amen !
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