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Solennité des Rameaux
« Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. »
Chers Frères et Sœurs,
Nous voici entrés dans la semaine sainte qui va nous conduire à travers la mort de Jésus sur la croix à sa Résurrection dimanche prochain. La messe des Rameaux comporte toujours en elle-même un profond paradoxe : nous y voyons en même temps l’entrée messianique de Jésus, acclamé et reconnu comme le Roi-Messie, et en même temps nous sommes conduits à sa crucifixion comme le dernier des malfrats.
Nous retrouvons ce même paradoxe dans l’Évangile de la Passion. Jésus ne va pas cesser de s’abaisser jusqu’à être élevé sur la croix. Il arrive comme Roi, mais selon la prophétie de Zacharie, comme un Roi monté sur un âne que personne n’a encore monté. À travers cette prophétie, Zacharie annonçait l’Avènement du Messie-Roi ; pourtant au temps de Jésus, le Roi monte un cheval, signe de richesse et de puissance et non plus un âne. Jésus, en appliquant la prophétie de Zacharie, nous montre déjà que la royauté qu’Il annonce sera d’une autre nature. Acclamé comme Roi, il est trahi par l’un des siens, arrêté, traduit au tribunal, jugé, condamné à mort, crucifié pour mourir comme l’un des pires brigands dans la plus grande injustice, puisqu’Il n’a rien commis. Au point que nous-même pouvons nous demander : jusqu’où cela va-t-il aller ? Même les tentatives d’enrayer la machine infernale sont rendues vaines. Le procès qui, en théorie, devrait laisser parler la justice, ne rend pas honneur à la vérité ; l’espoir de la libération de Jésus face au criminel Barrabas n’aboutit pas…
Et d’un autre côté, nous avons Jésus qui ne cesse d’annoncer et de prédire ce qui va arriver, nous montrant ainsi qu’Il maîtrise tous les évènements qui en apparence Lui échappent. Ainsi annonce-t-Il que la femme qui lui verse du parfum sur sa tête le fait en signe de son ensevelissement, ainsi annonce-t-Il la trahison de Judas, mais aussi la chute de tous, le reniement de Pierre. Jésus nous révèle qu’Il assume et maîtrise tout ce qui semble lui échapper. Il y a ici un premier enseignement pour nous : Jésus est Maître de tout ; Il n’empêche pas les évènements douloureux de se dérouler, mais Il tient ces derniers dans sa main. Il nous montre ainsi comment les vivre.
Ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que le chemin qu’emprunte Jésus, le conduit à la victoire de Dieu sur la mort, c’est-à-dire à la Résurrection. C’est ce même chemin que Jésus nous invite à prendre nous qui sommes qui comme les foules qui l’acclament avec nos Rameaux. La vocation du chrétien est de suivre Jésus, de vivre selon les préceptes qu’Il nous a enseignés : aimer, chercher à aimer, pardonner, chercher en toute chose le bien et à faire le bien, se donner. Nous ne sommes pas appelés à suivre Jésus par simple devoir, mais en premier lieu parce qu’Il est Celui qui nous fait traverser la mort pour nous faire entrer dans la Vie. Tout ce qu’a vécu Jésus est digne et saint. Si douloureux soit-il, Son chemin vers la mort est un chemin de sainteté, de vie et de salut. Il a assumé toutes les caractéristiques d’une vie humaine non seulement pour la sanctifier, mais aussi pour sauver l’homme. Frères et Sœurs, Jésus nous révèle la dignité et la beauté de toute vie, dans sa vulnérabilité, sa fragilité, l’agonie, dans ses derniers instants. Il nous appelle à prendre le même chemin qui est celui qui nous conduira à la Vie. Depuis plusieurs décennies, notre société, nos sociétés occidentales, se déchristianisent. J’entends par déchristianisation non pas seulement une baisse de la pratique religieuse dominicale, qui est réelle même si elle laisse place à une nouvelle génération solide et ardente, mais aussi une sortie, étapes par étapes, des lois qui régissent nos modes de vie en société qui étaient pétries de l’Évangile et de la recherche du bien commun. Or aujourd’hui, la perspective du bien commun et du bien des plus faibles et des plus fragiles est progressivement abandonnée pour laisser place à la satisfaction de biens particuliers. La vie, dans ses phases les plus fragiles, n’est plus protégée. Hier, l’avortement était dépénalisé (ce qui impliquait qu’on reconnaissait que c’était un acte mauvais), pour ensuite devenir un droit et, étape suivante, un droit constitutionnel. Aujourd’hui, on a inscrit dans la constitution le fait de donner la mort ! Bien sûr sur cette question il y a la souffrance des femmes, parfois des couples, qui est à prendre en compte, mais ce qui n’est pas juste, c’est que l’on met complètement de côté le droit à vivre de l’enfant ! Et maintenant, on attaque la fin de vie alors qu’aujourd’hui l’État français n'applique déjà pas les dernières lois concernant l’accessibilité aux soins palliatifs qui permettent aux personnes malades de terminer leurs jours sans souffrir. Pourquoi ne met-on pas les efforts sur l’accompagnement de la fin de vie ? sur le soulagement de la souffrance ? Pourquoi veut-on absolument que la mort soit le remède aux situations dramatiques ?
L’Évangile nous montre le chemin du chrétien. C’est celui de Symon de Cyrène qui va aider Jésus à un moment donné à porter sa croix ; c’est Sainte Véronique qui va essuyer le visage de Jésus ; c’est Joseph d’Arimathie qui va prendre soin du corps de Jésus. Aujourd’hui, tant de personnes dans le personnel soignant, médical, hospitalier, accompagnent la vie de manière profonde, digne. Ici se joue un véritable chemin de sainteté et de sanctification. Frères et sœurs chrétiens, ne vous laissez pas tromper par les incantations et les pressions des faiseurs d’opinion : la dignité de l’homme est de soutenir la vie, de la défendre, pas de la supprimer.
Pour terminer sur une note plus joyeuse, le passage par la Passion nous conduit à la Résurrection, à la victoire de la Vie. Déjà, nous voyons que la Passion est source de vie. Un des malfaiteurs crucifié à côté de Jésus sera le jour même au Paradis. Le centurion qui a vu mourir Jésus se convertit et reconnaît en lui le Fils de Dieu. La Passion de Jésus donne immédiatement la vie à celui qui y communie. L’Évangile nous rapporte que la Passion est également l’occasion d’un renouveau dans la relation à Dieu. La liturgie reprend presque mot pour mot l’acclamation des foules lors de l’entrée à Jérusalem : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Cette acclamation est reprise lors du chant du Sanctus qui nous ouvre à la Venue de Jésus sous les espèces eucharistiques du pain et du vin. Le culte eucharistique à la messe signifie un culte nouveau, issu de la Passion et de la Résurrection de Jésus. Nous retrouvons cette nouveauté issue de la Passion encore en quittant le Temple, dont les Évangélistes nous rapportent que le rideau s’est déchiré, pour arriver à un Temple nouveau qui est le Corps du Christ qui s’est offert et qui se donne en partage lors de la messe. Celui qui passe par la Passion accède à une vie nouvelle, à un culte nouveau.
Frères et sœurs, entrons avec foi dans cette semaine sainte, en accompagnant Jésus avec nos Rameaux jusqu’à sa mort, pour communier et recevoir la vie nouvelle qu’Il nous donne. Amen !
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