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Homélie de la Solennité de la Toussaint


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Solennité de la Toussaint

« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. »

 

Chers Frères et sœurs,

 

Pour entrer un peu plus profondément dans le sens de la Fête de la Toussaint, il m’a semblé important de vous dire quelques mots quant à l’origine de cette fête qui ne s’imposera à l’Église qu’en 835 sous le Pontificat de Grégoire IV.

Cette fête a deux origines : une celte et une romaine. Les Celtes fêtaient à la fin du mois d’octobre et au début du mois de novembre la fête de Samain. Cette fête marquait l’entrée dans l’hiver, dans les mois noirs, et elle était l’occasion d’un bilan de l’année à faire ainsi que d’un repos nécessaire à observer en vue du re-démarrage d’une nouvelle année. Au cours de cette fête le monde des vivants et l’autre-monde, le Sid, s’ouvraient l’un à l’autre et les vivants pouvaient aller se promener chez les morts, et les morts venaient visiter les vivants. Samain était donc l’occasion d’une porte ouverte entre les mondes et d’une communion avec le monde des morts, que l’on fêtait à cette occasion.

L’Église, dans son souci d’évangélisation et inculturation, va donc saisir l’occasion de cette fête celte pour réaffirmer notre foi et notre espérance en la vie après la mort avec Dieu et en Dieu. Et elle décalera au lendemain de la fête la prière pour les morts. Les premières traces écrites de cette superposition de ces fêtes chrétiennes au 1er Novembre sur les fêtes celtes sont attestées dans la première moitié du VIII ème siècle, comme en témoigne le Martyrologe de Bède le Vénérable en Angleterre et le Pontifical d’Egbert d’York. Ce n’est qu’un siècle après que Louis le Débonnaire, sollicité par Grégoire IV, étendra cette fête au 1er Novembre pour tout l’empire. Jusque-là, existait dans notre contrées une coutume attestée par les Conciles d’Espagne et de Gaule dès le VIème siècle, une coutume selon laquelle on sanctifiait cette fête du 1er Novembre par trois jours de pénitence et de litanies.

L’autre origine de la Toussaint est romaine. Et elle va croiser l’origine celte pour préciser le contenu de cette fête que nous connaissons aujourd’hui. Elle remonte en 610 où le pape Bonface IV va transporter les restes de nombreux martyrs des catacombes au Panthéon, temple construit par Agrippa qui fut dédié sous Auguste à tous les dieux du paganisme. En 610, le 13 Mai, le Panthéon devient donc une basilique en l’honneur de la Vierge Marie et des saints martyrs. En s’étendant, cette fête va devenir la fête du Sauveur, de sa sainte Mère, des saints Apôtres, de tous les saints martyrs, Confesseurs, Justes, parfaits qui reposent par toute la terre. Pour les raisons de christianisation des peuples d’origine celte évoquées plus haut, elle va prendre la place de la fête de Samain au 1er Novembre avec un double accent : vénération des martyrs qui sont morts et maintenant auprès de Dieu et prière pour les morts.

 

Voici donc quelques éléments historiques concernant la fête de la Toussaint, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Comme je vous le disais plus haut, la fête de Samain ouvrait une porte de notre monde vers le monde des morts et permettait une communion du monde terrestre avec le monde céleste. Pour nous chrétiens, cette porte qui ouvre et relie le monde terrestre au monde céleste est Jésus-Christ, mort, ressuscité et monté aux Cieux. Le chemin qui nous conduit au Ciel, Jésus nous l’indique dans les Béatitudes. Ayant déjà eu l’occasion les années précédentes de commenter la première des Béatitudes, je vais m’arrêter cette année sur la deuxième : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. »

 

            Il y a deux sortes de tristesse, de souffrance : il y a la tristesse de celui qui a perdu l’espérance, la confiance dans la Vérité qui sauve; cette tristesse peut être représentée par Judas qui n’ose plus espérer et part se pendre. Et il y a la tristesse de celui qui est affligé par le mal, qu’il voit ou qu’il peut commettre lui-même, que la Vérité lui montre ou lui révèle, tristesse qui est une sorte de résistance au mal et de combat contre le mal ; cette tristesse peut être représentée par Pierre, qui, ayant croisé le regard de Jésus, va se rendre compte de sa trahison et va se convertir, prendre un nouveau départ et devenir un homme nouveau. Il y a un autre exemple de cette tristesse : il s’agit de Marie au pied de la croix, en compagnie de sa sœur Marie, femme de Cléophas, de Marie Magdala et de Jean. La tristesse de Marie est celle qui s’exprime devant le spectacle du mal et de la cruauté, du cynisme et des connivences. Marie ne peut empêcher le malheur, mais elle exprime sa souffrance et, ce faisant, elle se place du côté du condamné; en partageant l’amour compassion, elle prend le parti du Dieu Amour. L’exemple de Marie nous montre que c’est au pied de la Croix que l’on peut le mieux comprendre cette parole : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. » Celui qui n’endurcit pas son cœur devant la souffrance, devant la détresse de l’autre, celui qui, au lieu d’ouvrir son âme au Mal souffre de son pouvoir, donnant par la même raison à la Vérité et à Dieu, celui-là fait entrer la lumière et l’amour dans notre monde. À ceux qui pleurent ainsi, la grande consolation est promise au Royaume de Dieu. La tristesse dont parle le Seigneur dans les Béatitudes est celle qui consiste à refuser de se conformer au mal, elle est une manière d’aller contre ce que tout le monde fait, contre les modèles de comportement qui s’imposent à un individu. Le monde ne supporte pas ce genre de résistance, il exige que l’on fasse comme tout le monde. Alors à ses yeux, cette tristesse devient accusatrice, mais en fait elle s’oppose à l’engourdissement des consciences. La promesse de la consolation concernera le Royaume de Dieu parce que c’est en Dieu, avec Dieu que le dernier ennemi, la mort, aura perdu tous pouvoirs.

 

            Frères et sœurs, que la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu rejoigne tous les cœurs attristés, pas seulement pour leur faire espérer la consolation future, mais pour déjà réconforter leur vie dès maintenant. La consolation de Dieu est à la fois promesse et efficace dès maintenant ; elle transforme déjà notre réalité. Que cette fête de la Toussaint ravive en nous le désir de la communion et de l’union à Dieu. Amen !

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