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Solennité de la Toussaint
« Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. »
Chers Frères et sœurs,
Il y a un paradoxe dans cette fête de la Toussaint : c’est qu’elle est restée pour une part assez populaire, certainement en raison de son lien avec les défunts que nous commémorons le lendemain (la Toussaint est souvent l’occasion d’aller se recueillir sur les tombes de ses proches disparus) et d’autre part, elle renvoie une certaine idée de la sainteté souvent perçue comme une réalité inaccessible ou une réalité qui concerne une élite.
La fête de la Toussaint nous pose la question : qu’est-ce que la sainteté ? Les textes proposés par la liturgie de ce jour nous aident à préciser le contenu de la sainteté. Et avant toute chose, il faut balayer l’idée selon laquelle la sainteté serait la perfection. Non, être un saint, ce n’est pas être parfait. Les saints ont des défauts, ce sont des pécheurs, mais qui ont accepté de convertir leur vie à la suite de Jésus. La première lecture nous montre la foule des élus, « foule immense, que nul ne peut dénombrer », c’est-à-dire que tout le monde est appelé à la sainteté. Cette foule est vêtue de robes blanches avec des palmes à la main. La robe blanche est la couleur du baptême, de la pureté, c’est-à-dire de la libération du péché ; les palmes représentent le martyre, ou plus exactement la victoire. Dans l’antiquité gréco-romaine, la palme est le signe de la victoire que l’on arborait lors de compétitions sportives, ou littéraires ou de jeux ou encore lors des défilés des triomphes des généraux vainqueurs. Dans la Bible, la palme est devenue le signe de la Terre Promise (lorsque les Hébreux arrivent en Terre Promise sous Josué, ils prennent des produits du pays des palmes). La palme symbolise donc la victoire de Dieu. Cette foule est donc une foule sanctifiée, mais qui est passée par l’épreuve du martyre. La fin de la lecture le redit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau. » La sainteté apparait comme un chemin de combat. Ce combat est évoqué encore, d’une manière plus douce certes, dans l’Évangile à travers les situations de souffrance : « Heureux si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi… »
Le combat dont il est question qui détermine la constitution de notre sainteté est tout d’abord un combat intérieur, contre son propre péché. Avant d’être persécuté au Nom de Jésus, avant de mourir martyr, il faut d’abord lutter contre son péché ; rechoisir d’aimer. Ce combat personnel et intérieur s’appelle la conversion. Lorsque ce combat est engagé, je ne dis pas gagné car s’il l’est déjà en Jésus, il n’est jamais gagné en nous au sens où il sera toujours à mener, alors il peut être mené en extérieur, contre le mal et ses structures. Mais la personne qui ne s’est pas engagée dans son propre combat contre le mal et qui veut s’engager dans un combat extérieur a déjà perdu ses combats. Si la sainteté est un chemin de combat, spirituel et extérieur, elle est aussi le lieu d’une communion avec Jésus. Jésus est avec nous dans nos combats spirituels, dans nos combats contre le péché, contre le mal dans le monde. La clé de la sainteté n’est pas dans le combat, même si elle passe par les combats, elle est dans la communion avec Jésus qui nous fait gagner ces combats.
C’est cette communion que l’on vérifie dans les étapes de reconnaissance de la sainteté. On la vérifie par des miracles qui viennent authentifier la communion du défunt avec Dieu. Pour reconnaître la sainteté d’une personne, il y a 3 étapes. La première consiste en la reconnaissance de l’héroïcité des vertus du défunt. C’est-à-dire que sa vie est digne d’être un exemple sur tel ou tel point. On y reconnait les vertus chrétiennes qu’elles soient théologales ou cardinales. Cette reconnaissance se fait au niveau du diocèse et est dans les mains de l’évêque. La personne est dite Vénérable, c’est-à-dire digne d’exemple.
L’étape suivante consiste à reconnaître le défunt Bienheureux. Pour cette étape, il y a une enquête avec une personne qui présente la vie du défunt, personne que l’on appelle un postulateur. Cette soutenance a lieu à Rome et l’accord est donné par le Pape. La personne est alors appelée Bienheureuse. Pour béatifier quelqu’un, il faut un miracle qui justement va authentifier la communion bienheureuse du défunt avec Dieu.
Enfin, la dernière étape est celle de la canonisation. Elle fait suite à une autre enquête et elle nécessite un deuxième miracle, différent du premier. La personne canonisée est appelée Sainte. Le Pape célèbre les canonisations et donne une date dans le sanctoral (calendrier des saints) avec un degré d’importance (mémoire facultative, obligatoire, fête ou solennité).
Les miracles requis pour la Béatification et la Canonisation témoignent justement de la Communion du défunt avec Dieu, puisque la Communion permet l’intercession du défunt. Plus la Communion sera forte et puissante, plus l’intercession le sera.
Avant de vous toucher un mot du mystère de la Communion des saints que nous abordons ici avec la question de l’intercession des saints, je fais mention de tous les saints qui n’ont pas fait l’objet d’un procès en bonne et due forme, mais qui ont réellement été saints ou que la Vox populi a reconnu comme saints et fêté comme tels. Ils sont nombreux et surtout parmi les fondateurs de nos diocèses ou évêchés dans les tous premiers siècles. St Martin, par exemple, n’a pas eu de procès de canonisation, puisque cette procédure s’est mise progressivement en place à partir du XIème siècle. Mais le nombre important de miracles qui ont eu lieu sur sa tombe, la dévotion du Peuple de Dieu envers celui qu’il avait été capturer pour faire de lui leur évêque, le nombre de pèlerinages qui se sont mis en place sur le lieu de sa sépulture, ont fait office de canonisation par le peuple de Dieu, donnant ainsi à l’Église les critères pour l’étape de l’héroïcité des vertus. Dans cette solennité de la Toussaint, ce sont aussi tous ces saints qui ne passent pas par un procès canonique que nous fêtons et que nous prions.
Je reviens donc sur la question de la Communion des saints. La Communion des saints existe parce qu’elle présuppose la Communion avec Dieu. Ce mystère, article de foi dans le Credo, consiste à dire que, par la Communion que les saints ont avec Dieu au Ciel et que nous avons-nous-mêmes avec Jésus, nous sommes en Communion avec eux par la médiation du Christ. Cette communion permet un échange de biens spirituels : ils peuvent bénéficier de notre prière, de nos offrandes, de nos sacrifices, comme nous pouvons nous aussi bénéficier de leur prière pour nous. C’est notamment ici que se placent les miracles dus à leur intercession. Il ne faut pas craindre d’avoir davantage recours à la Communion des saints. Leur intercession n’enlève rien à la puissance de Dieu, puisqu’elle découle du seul Médiateur, Jésus. Au contraire, elle la magnifie et Dieu est heureux de faire participer les saints à son œuvre de salut. Ne limitons pas le recours à l’intercession des saints à la prière à St Antoine lorsque nous avons perdu un objet ou à notre ange gardien lorsque nous cherchons une place pour nous garer. C’est certes bien, mais la Communion des saints apporte bien d’autres choses. Je sais que St Joseph est beaucoup prié ici sur la paroisse, pour des questions de travail, de maison. Vous êtes nombreux à avoir été exaucés par lui. Mais il y a aussi la Sainte Vierge, dont le Concile Vatican II nous redit que son intercession vaut, à elle seule, plus que celle de tous les saints et de l’Église réunis !
Frères et sœurs, pour terminer, je voudrais vous faire remarquer que, même si la Communion des saints demeure un mystère, elle est bien répandue dans notre société, tellement répandue d’ailleurs qu’on ne la voit plus. Habiter en France est une Toussaint permanente. Le président de la République habite rue du Faubourg St Honoré ; les amateurs de foot suivent le Paris St Germain ; des malades se font soigner dans les hôpitaux St Antoine ou St Vincent de Paul. Nous pouvons penser aux gares St Lazare, St Charles à Marseille ou St Jean à Bordeaux. Plus d’une commune sur 10 porte le nom d’un saint ! Voyez-vous, le mystère de la Communion des saints a imprégné notre culture, notre société. Il est d’ailleurs étonnant que les intégristes laïcs n’aient pas encore demandé la désanctification de notre pays. Que tous les saints dont nous portons les noms, que nous honorons ou qui marquent notre vie en société, nous aident à passer des ténèbres de notre monde à la lumière de Dieu. Amen !
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