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Solennité de la Pentecôte
« Viens, Esprit-Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! »
Chers frères et sœurs,
Le récit de l’Évènement de la Pentecôte présente cette fête religieuse juive des moissons comme une nouvelle création. Au seuil de la création, la Bible nous disait que l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. Le 2ème récit de la création nous rapportait qu’après avoir pris de la terre pour façonner le corps de l’homme, Dieu soufflait sur le corps pour l’animer en lui transmettant son souffle de Vie. Au jour de la Pentecôte, à nouveau l’Esprit de Dieu agit et fond sur les Apôtres et le lieu où ils sont. La Pentecôte inaugure une création renouvelée. En quoi la création est-elle renouvelée ? L’homme ancien s’en est allé, mort avec Jésus sur la croix, pour renaître, en Jésus, en homme nouveau, libéré du péché et de la mort. Au corps pétri de terre qui recevait le souffle de Dieu succède le corps ressuscité qui attend d’être à nouveau animé.
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La lecture du passage des Actes des Apôtres nous apprend également que le renouvellement dont il est question est d’abord un renouvellement intérieur. Les Apôtres passent de la peur et de la réclusion à l’audace et à la joie. L’Esprit-Saint qui fait toutes choses nouvelles a transformé intérieurement les Apôtres. On évoque souvent la Pentecôte comme l’envoi en mission de l’Église, mais il s’agit d’abord d’une transformation et d’un renouvellement intérieur de ceux qui ont accueilli l’Esprit de Dieu. Ne passons pas à côté de l’accueil plus profond et plus généreux de l’Esprit-Saint en cette fête de la Pentecôte.
Par ailleurs, en accueillant l’Esprit Saint, sachons aussi chercher et reconnaître les signes de l’Esprit-Saint répandus à travers le monde et l’Église. Nous savons que nous vivons dans une période où, chez nous en Occident, l’Église devient minoritaire, où la déchristianisation continue son chemin, où le nombre de baptêmes et d’enfants catéchisés recule etc…. nous le savons. Mais cette vision n’est pas complètement juste. Il manque aussi tout ce qui grandit et pousse. Une jeunesse, certes moins nombreuse qu’il y a 50 ans, grandit et s’impose dans ses exigences évangéliques pour la société. Ces jeunes ne se cachent pas ; ils n’ont pas peur de défendre leur conviction chrétienne dans la rue s’il le faut, de chercher à être missionnaires. Ils prient, veulent retrouver le sens de Dieu dans la liturgie, s’engagent à travers la société ou la vie professionnelle. Le nombre de catéchumènes augmente partout. Alors, certes, il ne contrebalance pas le nombre de baptêmes qui chute, mais c’est le signe de l’Esprit qui œuvre dans le monde et qui renouvelle et transforme l’Église de l’intérieur. Rendons grâce à Dieu pour tous ces signes qui manifestent l’existence et le travail de l’Esprit-Saint.
La Pentecôte, c’est aussi le moment où l’Esprit de Dieu, après avoir transformé les Apôtres, les fait sortir d’eux-mêmes et les envoie dans le monde pour annoncer l’Évangile. L’Écriture parle d’un violent coup de vent. C’est-à-dire que l’Esprit-Saint est une force, un dynamisme qui bouscule. C’est un esprit qui décloisonne, fait sortir de soi pour entrer en relation avec les autres. Il permet de rejoindre des gens différents en mettant les dons de Dieu à la portée des personnes auxquelles il est envoyé. Le Livre des Actes des Apôtres nous a rapporté comment depuis l’Ascension de Jésus l’Esprit-Saint a guidé et orienté les Apôtres, comment Il les a précédés dans la mission, comment Il les a aidés à résoudre les conflits, à dépasser les oppositions que la toute jeune Église rencontrait. À chaque impasse, Il ouvrait un chemin de Vie. Et maintenant, voici qu’Il les pousse et les envoie à travers le monde. Ce qui est beau, c’est que les Apôtres ne se sont pas réunis dans le Cénacle pour se demander quels plans missionnaires ils allaient mettre en œuvre pour évangéliser le bassin méditerranéen. Ils n’ont pas créée de commissions, de structures…ils ont simplement accueilli l’Esprit-Saint et ils l’ont suivi. Ce qui manque aujourd’hui dans l’Église, dans ses structures, dans son gouvernement, c’est l’écoute et l’accueil de l’Esprit-Saint. On réduit aujourd’hui l’écoute de l’Esprit-Saint à l’exposition des opinions de chacun, cherchant toujours un consensus à partir des opinions humaines. J’en veux pour preuve les conclusions diocésaines du synode : on a un pêle-mêle de toutes les opinions sur l’Église dans le diocèse. Et après ? Qu’est-ce qu’on fait de ça ? A-t-on écouté l’Esprit-Saint ? Avons-nous repéré les dynamismes qu’Il fait naître aujourd’hui ? Dans les eaux tumultueuses que traverse notre Église aujourd’hui, il est important d’accueillir l’Esprit-Saint, de L’écouter, de sortir de ses points de vue revendiqués comme des droits et de vivre sous sa mouvance.
Dans le dynamisme de la Pentecôte, nous sommes invités à vivre sous la conduite de l’Esprit-Saint, comme le dit St Paul aux Romains : « Or vous, vous êtes sous l’emprise de l’Esprit. » Qu’est-ce que vivre sous la conduite de l’Esprit ? 3 éléments de réflexion.
Tout d’abord, vivre sous la conduite de l’Esprit-Saint, c’est apprendre à devenir Fils de Dieu. L’Esprit-Saint est Celui qui développe ce que nous avons reçu au baptême, c’est-à-dire la grâce de la filiation divine. Dans notre vie chrétienne, nous devenons fils de Dieu. Nous devenons Fils de Dieu grâce à la Communion que nous construisons tout au long de notre vie avec Jésus et grâce au travail de l’Esprit-Saint. Nous devenons Fils de Dieu pour rencontrer le Père. St Paul l’a très bien compris lorsqu’il exhorte les Romains : « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. » et plus loin « Mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions ‘Abba !’ Père ! » Le but de notre vie chrétienne est de devenir des fils et des filles de Dieu.
Vivre sous la conduite de l’Esprit, c’est aussi, laisser les dons et les fruits de l’Esprit-Saint habiter notre âme. La présence de l’Esprit dans une âme se manifeste à travers ce que la théologie a nommé les dons du Saint-Esprit qui transfigurent l’agir humain et la vie. À la lumière du don de sagesse, l’âme goûte la présence immédiate de Dieu. Le don d'intelligence aide à entrer dans le mystère des Écritures et à comprendre de l’intérieur la foi. Par le don de science, l’homme reconnaît Dieu à l’œuvre dans la nature et dans l’histoire. Le don de force assure la persévérance dans l’épreuve, obtient le courage de témoigner. C’est le don qui soutient les martyrs et qui aide aussi au quotidien à accomplir son devoir d’état et à vivre le combat spirituel. Par le don de conseil, l’esprit reçoit le don du discernement spirituel, de la juste mesure dans ce qu’il convient de faire ou d’éviter, de dire ou de taire. Le don de piété fait entrer dans l’expérience de la paternité de Dieu, de sa proximité, de sa tendresse. C’est le don de l’enfance spirituelle. Enfin le don de crainte apporte à l’âme la conscience de l’infinie distance avec Dieu. Les disciples ainsi affermis partagent entre eux et révèlent au monde les admirables fruits de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi. Dans la joie de cette fête, il nous revient de faire écho aux paroles des apôtres, de proclamer les merveilles de Dieu, de laisser rayonner les fruits de l’Esprit.
Vivre sous la mouvance de l’Esprit-Saint, c’est enfin construire l’unité tout en respectant, en assumant et en permettant l’existence de la légitime diversité qui existe dans notre monde. On le voit à travers les langues de feu qui se déposent sur les Apôtres et qui leur donnent de parler dans les langues étrangères. L’Esprit-Saint est Celui qui permet l’unité en Dieu suite à la division induite par le péché. L’orgueil et le péché de l’homme étaient à l’origine, nous rapporte la Bible, de l’apparition des langues avec l’épisode de la Tour de Babel. La Pentecôte apparaît comme un anti-Babel où Dieu permet et restaure l’unité. Sous la mouvance de l’Esprit-Saint, la vie avec celui qui vit différemment, qui pense différemment, qui prie différemment, est possible et même devient riche et me fait grandir ; sans l’Esprit-Saint, l’unité est impossible ou tout au mieux ne se limite qu’à une coexistence ou à une cohabitation, à moins qu’elle tourne à une opposition et à la division. Les problèmes d’unité dans notre monde viennent de l’absence de Dieu ; dans notre Église, non pas de la diversité de ses membres, mais d’une déficience de communion avec Jésus et d’un manque de vie sous la mouvance de l’Esprit-Saint.
Accueillons tous de manière renouvelée l’Esprit-Saint qui vient nous renouveler, nous redynamiser. Belle fête de la Pentecôte à tous ! Amen !
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