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Solennité de l’Annonciation
« Voici que tu vas concevoir et enfanter un Fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. »
Chers Frères et sœurs,
La semaine sainte et l’octave de Pâques ont décalé la fête de l’Annonciation au Lundi 8 Avril. En fêtant l’Annonciation, nous commémorons la rencontre exceptionnelle entre Dieu et la Sainte Vierge qui s’est produite une fois dans le temps ; mais en faisant mémoire de cette visite, nous apprenons également à nous ouvrir aux visites que Dieu fait dans chacune de nos vies, visite dont le but est toujours de nous redire son Amour pour nous et, indissociablement, sa volonté de nous sauver.
Je voudrais attirer votre attention sur la manière dont Dieu vient visiter la Sainte Vierge : « L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée. » Il est à noter que ce n’est pas Dieu qui vient lui-même rencontrer Marie. Il envoie l’ange Gabriel, celui dont la mission est l’annonce des grands évènements. Dieu ne se rend pas présent lui-même. Pourquoi ? Peut-être par respect, pour ne pas impressionner la jeune Marie. Plus qu’un ordre donné comme cela et qui serait à exécuter, je vous propose d’y voir la délicatesse de Dieu. L’Ancien Testament (que Marie connait très bien) nous apprend que toutes les manifestations de Dieu, les théophanies comme on les appelle, sont toujours très impressionnantes et que ceux qui les voient sont à la limite de la vie et de la mort. La venue d’un ange est plus délicate. Elle nous apprend aussi que Dieu entre en contact avec nous par des intermédiaires. C’est parce que Marie est totalement tournée et orientée vers Dieu qu’elle peut reconnaître et accueillir les intermédiaires que Dieu envoie. Frères et sœurs, il en va de même dans nos vies. Le principe général est que Dieu, pour entrer en contact avec nous, passe par des médiations (des personnes, des évènements, des lectures) ; parfois, Il se manifeste de manière plus directe, mais ce n’est pas la manière ordinaire. L’important pour nous est d’être disponibles aux manifestations, aux venues de Dieu pour Le reconnaître et pouvoir Lui répondre. Marie nous apprend lorsque nous la prions, lorsque nous nous mettons à son école, à garder un cœur disponible et ouvert à Dieu. Qu’à son école, notre prière soit réellement tournée vers Dieu.
Même si l’Annonciation, tant dans la forme que dans le fond, est un évènement extraordinaire ou « surnaturel », cet épisode nous montre comment Dieu vient habiter nos réalités. L’enseignement le plus connu de l’épisode de la Visitation est le fait que Marie, en se dessaisissant de sa propre volonté et en cherchant à faire celle de Dieu, non seulement se trouve elle-même, mais en plus accomplit l’œuvre de Dieu en contribuant à notre salut. Je voudrais regarder un peu différemment cet épisode, en le regardant sous l’angle de la réalité. Même si le projet de Dieu par rapport à Marie est « exceptionnel », même si Dieu va bouleverser la réalité de la vie de Marie, Dieu entre dans les réalités de la vie de Marie pour les transformer. Il y a ici un précieux enseignement pour nous chrétiens. Le Christianisme est une religion de réalité, qui épouse le réel. Dieu nous rejoint dans notre réel. Et si ce réel était trop difficile, trop lourd, et qu’on le fuyait ou qu’on cherchait à le masquer ou à le combattre, le premier effet de Dieu serait de nous amener à rejoindre et à assumer la réalité telle qu’elle est. Qui d’autre, mieux que Jésus qui a assumé les limites et le péché de l’homme, peut nous aider à assumer la réalité ? Le fait que Dieu assume la réalité ne signifie pas que la réalité est bonne. Mais pour la transformer, parce que Dieu a le pouvoir de transformer la réalité, il faut tout d’abord qu’Il l’assume. Ainsi en est-il de Jésus par rapport à la Croix. Pour que Jésus transforme la mort en vie, il faut qu’Il assume la réalité de la croix. Ainsi en est-il pour Marie. Pour qu’elle mette au monde le Fils de Dieu, il faut que Dieu entre dans sa vie et en elle, sans remettre en cause le fait qu’elle « ne connait pas d’homme » comme Marie le dit elle-même à l’Ange. Oui, la foi chrétienne a le pouvoir de transformer la réalité parce que Dieu agit dans nos réalités, mais pour qu’Il puisse agir, il faut que nous assumions nos réalités ; sinon Dieu ne pourra pas agir. C’est ce que le communisme n’a jamais compris. Le communisme reprochait à l’Église d’être complice des situations d’injustice dans la société en poussant les gens à ne pas se révolter et en leur faisant miroiter le bonheur au Ciel pour endurer le malheur sur terre. Or le christianisme a une force de transformation qui est intérieure, non extérieure. Il transforme les choses non par la révolution, mais par l’Amour de Dieu qui convertit et transforme.
Aujourd’hui, si nous regardons bien notre société, les tentatives de combattre la réalité en la fuyant sont nombreuses. Ces dernières années, se répand une épouvantable idéologie qui s’inscrit dans cette fuite ; il s’agit du wokisme, cette nouvelle religion issue des universités américaines et qui tend à s’imposer dans notre monde occidental. Le wokisme repose sur un déni de la réalité. Sa plus grande illustration est dans la théorie du genre selon laquelle la nature, dans son donné réel, est contestée. L’homme ne nait pas homme, il choisit de le devenir. La femme ne nait pas femme, elle choisit de le devenir. En plus de nier la réalité, le wokisme conduit à diviser profondément l’être humain, puisqu’il met en avant le primat de l’intellectualisme sur le donné réel, c’est-à-dire : je suis ce que je dis. C’est totalement absurde, anti-naturel et anti-logique. Cette idéologie ne peut conduire qu’à une auto-destruction de la personne humaine.
Dieu assume la réalité et nous invite à l’assumer pour pouvoir la transformer de l’intérieur. La véritable source et force de transformation est en Dieu et c’est en coopérant à son œuvre que nous permettons aux réalités de se transformer selon le Bien, comme Marie nous le montre dans l’épisode de l’Annonciation.
Il reste un point : c’est que Dieu ne force pas Marie qui doit répondre « oui » à Dieu par l’intermédiaire de l’Ange. Là aussi, cette donnée est importante : Dieu ne nous force jamais à faire sa volonté ; Il nous y invite, mais ne passera jamais outre notre consentement. Marie aurait eu toutes les bonnes raisons de dire « non » ; elle avait un projet de vie, qui plus est, construit sur Dieu. Mais Dieu l’appelle à s’en dessaisir pour un bien plus grand et pour le bien d’un plus grand nombre. Marie accepte ce renoncement à sa volonté et fait passer en premier celle de Dieu. Trop souvent, Frères et sœurs, nous ne nous départons pas de notre propre volonté ou alors en cherchant à faire celle de Dieu nous restons attachés à la nôtre. Accomplir la volonté de Dieu conduira Dieu à habiter en nous, comme Il va venir habiter en Marie, et à Le donner aux autres, comme Marie le mettra au monde.
Que la Sainte-Vierge nous aide à chercher à faire la volonté de Dieu et à répondre « oui » aux appels et invitations qu’Il nous envoie. Amen !
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