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Solennité de l’Épiphanie
« Nous célébrons 3 mystères en ce jour : aujourd’hui l’étoile a conduit les Mages à la crèche ; aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux Noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver alléluia. »
Chers Frères et Sœurs,
Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans l’homélie de la messe de la nuit de Noël, l’Épiphanie, fêtée traditionnellement le 6 janvier, était la date primitive de la fête de Noël, date conservée par l’Église orthodoxe. Pour des raisons de christianisation de fêtes celtes, l’Église latine a fait le choix de rapprocher la date de la Nativité du Fils de Dieu de la fête celte de Genimalacta, fête de la naissance du fils du soleil. Le terme Épiphanie vient du grec et signifie manifestation de la divinité. La Nativité de Jésus était la première des manifestations de Dieu dans notre monde. Dieu apparaissait sous les traits d’un nouveau-né. La fête de l’Épiphanie est chargée d’un grand nombre de significations. Nous en avons une trace dans l’antienne du Magnificat chantée aux Vêpres de ce jour. Je vous la relis : « Nous célébrons 3 mystères en ce jour : aujourd’hui l’étoile a conduit les Mages à la crèche ; aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver alléluia. »
Cette antienne du Magnificat nous redonne les trois manifestations de la divinité qui était commémorée dans la fête de l’Épiphanie, étant entendu que la première des manifestations à savoir la Nativité du Fils de Dieu a été anticipée pour être placée au 25 décembre. Les trois manifestations dont il est question sont : la venue des Mages qui adorent l’Enfant Jésus, le premier miracle de Jésus qui transforme l’eau en vin aux noces de Cana, première manifestation de la divinité de Jésus en œuvre, et le baptême de Jésus où la Sainte Trinité apparaît pleinement agissante dans la scène, et où se trouve confirmée la divinité de Jésus par cette parole venue du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ». La liturgie actuelle s’est surtout concentrée sur la première des Épiphanies évoquées dans cette antienne, à savoir le pèlerinage des Mages qui viennent se prosterner, c’est-à-dire adorer, l’Enfant Jésus et Lui offrir leurs présents : de l’or, de l’encens, et de la myrrhe. Ces présents son prophétiques : l’or confesse la royauté de cet enfant ; l’encens sa divinité, la myrrhe sa mort.
Dès le début de la vie de Jésus, l’Épiphanie nous montre que le salut offert dans cet enfant est pour tous. Les Mages viennent adorer le Sauveur après les bergers. C’est d’ailleurs ce que confessera le vieillard Syméon lors de la présentation de Jésus au Temple au 40ème jour de sa naissance : « Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » Le salut offert en Jésus est pour tous les peuples, aussi bien pour les nations, ici représentées par les Mages, que pour le peuple d’Israël, représenté par les bergers, premiers adorateurs.
Frères et sœurs, même si les pistes de méditation concernant l’Épiphanie sont très riches, je voudrais orienter ma méditation sur la question de la divinité de Jésus qui est manifestée à chaque épiphanie : à travers la Nativité de l’enfant, à travers le pèlerinage des Mages, à travers le premier miracle de Jésus à Cana et à travers son baptême. Il se trouve que cette année nous allons commémorer le 1700e anniversaire du concile de Nicée, qui a été convoqué par l’empereur Constantin le 20 Mai 325 pour répondre à une hérésie dangereuse qui se répandait et qui contestait la divinité de Jésus. Cette hérésie appelée l’arianisme était issue d’un prêtre originaire d’Alexandrie qui s’appelait Arius. J’en profite au passage pour redire ici une vérité historique bafouée de manière ordinaire et commune par les médias qui n’ont plus une grande culture. J’ai entendu récemment sur les ondes de radio que l’on présentait la fête de Noël pour les chrétiens comme la Fête de la naissance de Jésus, qui serait né à Bethléem. Il y a ici une erreur. Le conditionnel utilisé ne devrait pas porter sur la naissance de Jésus ni sur le lieu de la naissance. Ce sont des faits historiques. Les auteurs latins Tacite, Suétone, les auteurs juifs comme Flavius Joseph, affirment tous la naissance d’un homme au premier siècle de notre ère prénommé Jésus en Judée à Bethléem. Là n’est pas la question. C’est un fait historique que l’homme Jésus est né au premier siècle de notre ère. Par contre, la question de foi demeure quant à la divinité de Jésus : est-ce que cet homme est le Messie ? Ça c’est la question pour les Juifs; et de manière plus large : cet homme est-il le Fils de Dieu ? Si l’on est juste et que l’on veut être neutre, voilà où il faut mettre le conditionnel.
Pourquoi la question de la divinité de Jésus est-elle importante, indispensable pour notre salut et notre foi ? Il faut tenir ici un équilibre. La divinité de Jésus est aussi importante que son humanité. On ne peut pas privilégier l’un au détriment de l’autre, au risque d’avoir une foi déséquilibrée. Si Jésus n’avait pas assumé la nature humaine, il n’aurait pu sauver notre humanité et nous sauver nous. Sa Résurrection n’aurait aucune incidence sur nous. Mais si Jésus avait abandonné sa nature divine, alors Il n’aurait pu accomplir aucun miracle parmi nous et n’aurait pas accompli la réconciliation, en sa propre personne, entre Dieu et l’homme. La question qui a posé un problème dans l’histoire de l’Église n’a jamais été l’humanité de Jésus, mais la question relative à sa divinité. Arius contestait le fait que Jésus était de la même substance que le Père, comme nous le disons dans le Credo avec le rétablissement, heureux, du terme consubstantiel au père. Pour Arius, Jésus n’était pas de nature divine mais il se situait entre la nature humaine et la nature divine. Il n’y avait pas une pleine égalité dans la divinité du Père et du Fils.
Frères et Sœurs, on peut se demander pourquoi l’Église nous engage à marquer des signes de respect, d’adoration, devant Jésus dans la liturgie, comme par exemple, si nous le pouvons évidemment, la génuflexion avant de communier, le fait de se mettre à genoux à la consécration. Ce ne sont pas simplement des attitudes rituelles mais ce sont des attitudes et des gestes qui nous rappellent la divinité de Jésus, notamment dans le mystère eucharistique. Vous voyez combien abandonner tous ces gestes et ces attitudes conduirait à terme à fausser et à dénaturer la foi en la divinité de Jésus. La foi en la divinité de Jésus doit également marquer les associations et les groupes liés à l’Église catholique. Il est dommage de voir des mouvements associatifs catholiques ne plus oser prononcer le nom de Jésus, quand par miracle il y a encore un temps de prière dans leur rencontre, sous prétexte de ne pas gêner ceux qui ne partagent pas la foi catholique. ON en reste la plupart du temps à un simple partage de valeurs humaines, de tolérance, de bienveillance et de fraternité. Bien sûr, ces valeurs sont importantes, mais il manque quelque chose ; il manque la source ! Et de-même dans l’enseignement catholique. L’enseignement catholique doit être un enseignement intégral qui allie la transmission des savoirs et la croissance sous le regard de Dieu et dans la relation à Dieu. Ces dernières années, nous avons vu reculer, parfois disparaître complètement, le catéchisme au sein des établissements catholiques, pour être réduit à une proposition de culture chrétienne et maintenant de culture des religions. En fait, cela fait 40 ans qu’on accompagne un naufrage et on se console en disant qu’on s’adapte à la société, qu’on ajuste la proposition de foi au monde d’aujourd’hui…oui, sauf que la plupart du temps on ne propose même plus la foi. De plus, cette proposition n’est même pas ajustée à la réalité actuelle puisque la réalité actuelle est que les jeunes n’ayant pas été éduqués chrétiennement au sein de leur famille, ont une soif de Dieu très importante, ce que nous voyons par l’explosion et du catéchuménat et des demandes de sacrements chez les adolescents.
Qu’y a-t-il derrière tout cela ? Au-delà d’un respect mal compris, d’une laïcité mal comprise, il y a une déficience de foi en la divinité de Jésus avec un report quasi exclusif sur l’humanité de Jésus. Or une foi équilibrée repose et sur l’humanité de Jésus et sur sa divinité. On ne peut pas taire l’un au profit de l’autre.
Nous aurons au cours de l’année l’occasion d’approfondir le mystère de la divinité de Jésus.
Pour terminer, je reviens à la démarche des Mages. Ces derniers ont ouvert un chemin il y a presque deux mille ans, chemin que nous sommes invités à prendre nous-aussi aujourd’hui. Ils cherchaient Dieu et se sont mis en pèlerinage pour Le trouver. Cette démarche est l’image de notre vie chrétienne dans laquelle nous sommes appelés à marcher vers Dieu, à Le rechercher. Les Mages nous apprennent que la démarche qui consiste à chercher Dieu est une démarche d’humilité. Ils cherchent un roi et vont se prosterner devant un nouveau-né dans une mangeoire. Ils s’agenouillent devant ce bébé et Lui offrent des présents. Ils Lui soumettent en quelque sorte leur vie et acceptent de dépendre de Lui, contrairement à Hérode qui ne tire son pouvoir et sa gloire que de lui-même et pour qui Dieu devient une menace et un danger.
Frères et sœurs, est-ce que nous cherchons Dieu en vérité ? Sommes-nous nous-aussi capables de prendre le chemin de l’humilité pour nous abaisser devant Dieu ? Sommes-nous capables de nous dessaisir de nos conceptions, de nos idées, du peu que nous savons sur Dieu pour accueillir la nouveauté et le caractère inattendu dans lequel Dieu se révèle ? Le chemin des Mages a également été un chemin de fatigue, de renoncement, de sacrifice. On ne peut pas accéder à Dieu en dehors de ce chemin d’humilité.
Puisse la démarche des Mages rallumer en notre cœur le désir de chercher Dieu et de nous mettre nous aussi en pèlerinage pour Le trouver dans notre cœur et dans le cœur des autres. Amen !
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