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Mémoire de Saint Martin
Armistice de la Première guerre mondiale
Jeudi 11 Novembre 2021
Mesdames, messieurs les élus,
Messieurs les anciens combattants,
Chers frères et sœurs,
En ce jour où nous commémorons l’armistice de la Première Guerre mondiale, le calendrier liturgique de l’Église fait que nous fêtons St Martin, évêque de Tours, soldat légionnaire, devenu moine puis évêque et l’un des plus puissants évangélisateurs de la Gaule. La figure de St Martin est très riche. Je vous propose cette année de méditer sur sa vie en regardant plus particulièrement sa carrière de soldat.
Comme son prénom l’indique, Martin, est lié à la guerre. Son nom est issu du nom du dieu romain de la Guerre, Mars. Son Père était un légionnaire de l’armée et la tradition voulait que le fils d’un légionnaire entre à son tour dans l’armée. C’est donc la vocation de Martin. Mais à l’époque deux religions pénètrent les légions romaines : le culte à Mithra et le christianisme. Sentant que son fils se laisse gagner par la religion chrétienne, son père va précipiter l’entrée de Martin dans la légion : il y entre à 15 ans alors que l’âge d’entrée était normalement 17 ans. Entré dans la légion, dans laquelle il fera 20 ans, Martin est envoyé en mission en Gaule. Et c’est là, qu’aux portes de la ville d’Amiens en 334, il coupera son manteau en deux pour en revêtir un pauvre qui grelottait de froid. La nuit même, le Christ lui apparaît en songe revêtu du manteau qu’il venait de couper.
Martin veut servir le Christ en le faisant connaître et en servant son prochain, mais, à l’époque, l’engagement à la suite du Christ exclut la carrière militaire. Martin va donc quitter l’armée pour consacrer sa vie à Dieu, devenir moine et au contact de St Hilaire, évêque de Poitiers, il va fonder l’ermitage puis l’abbaye de Ligugé. En quittant l’armée pour la vie monastique, Martin va initier, sans le savoir, un modèle à imiter : le passage de l’épée à la Parole, modèle qui correspondait à un changement d’époque : on passe de l’époque guerrière à l’époque d’évangélisation. C’est aussi à cette époque que, le christianisme étant devenu depuis peu la religion de l’empire, les martyrs chrétiens cessent pour laisser la place à un autre type d’absolu qui ne s’exprimera plus dans le martyr du sang mais dans la radicalité de l’engagement religieux. Martin va donc initier un mouvement important de conversion dans le passage de l’épée à l’Évangile, même au-delà de nos frontières. St Iltud, par exemple, fêté dimanche dernier, qui vivait au Pays de Galles, de soldat deviendra moine et fondera le monastère Lanidult Fawr. Cette conversion extérieure correspond à une conversion intérieure : l’ennemi à combattre n’est plus extérieur, mais intérieur.
Hilaire de Poitiers voudra faire de Martin un prêtre, ce qui est impossible en raison de son histoire militaire. Martin ne recevra que l’ordre mineur d’exorciste. Mais, lorsqu’il sera capturé par les habitants de Tours pour faire de lui leur évêque, contre son gré, il recevra l’ordination par la force des choses.
L’exemple de Martin illustre deux soifs d’engagements absolus : celui de l’armée et celui de la foi. Pour autant, après St Martin, la question du rapport entre l’armée et la foi chrétienne va évoluer de manière rapide. Quelques années après son épiscopat, des hordes de Barbares déferlent sur l’empire romain et Alaric met à sac Rome. La destruction de la ville sainte est un traumatisme pour les chrétiens et pour l’Église : comment Dieu a-t-il pu abandonner Rome et laisser faire ? Comment autant de chrétiens ont-ils pu être tués, brûlés ? On cherche à comprendre ; on cherche des réponses…et on se tourne vers une des grandes références religieuses de l’époque, une des grandes têtes : St Augustin. Ce dernier ne répond pas à la question posée, mais répond ceci : « Comment se fait-il que vous n’ayez pas fait montre de charité en vous défendant ? » St Augustin est le premier à évoquer et à conceptualiser la notion de guerre juste, reposant sur cet enseignement : « Il est plus charitable de combattre le mal que de le laisser faire ». Dans la suite, St Thomas d’Aquin se posera même la question de la possibilité de tuer un tyran, légitimant la défense des peuples et des plus pauvres. Ce principe, théorisé à l’origine par St Augustin, a été repris par l’Église dans son enseignement moral comme dans son enseignement social : « Entre deux maux, il faut choisir le moindre mal. »
C’est ainsi que l’interdit de la carrière militaire dans l’Église va progressivement tomber, la guerre juste étant légitimée par la défense du plus pauvre et du plus petit, principe que l’on retrouve de nos jours, même venant d’États laïcs, comme notre pays (mais d’inspiration chrétienne, rappelons-le !). L’engagement de nos forces armées au Mali pour lutter contre le terrorisme et le Jihadisme en est une illustration parfaite.
En ce jour où nous commémorons toutes les vies offertes et sacrifiées pour nous défendre et nous protéger, pour que notre pays reste libre, que chacun de nous s’interroge sur ses propres combats. Le premier combat à mener en faveur de la paix est toujours d’abord un combat intérieur, contre le péché, source du mal et de la violence.
Que St Martin nous aide à être fidèles à Dieu et aux principes évangéliques qui seuls peuvent nous permettre de vivre dans la paix les uns les autres. Amen !
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